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Fou d'amour

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Fou d'amour - Melvil Poupaud - Philippe Ramos
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

L’érotique, le sordide, le sang et le religieux. Tous les matériaux du fantasme – et, par extension, du cinéma – sont réunis dans le dernier film composite de Philippe Ramos. Devant sa caméra, le réalisateur de ‘Capitaine Achab’ et ‘Jeanne Captive’ réunit de sublimes acteurs, à commencer par Melvil Poupaud. Ce dernier, sensible aux rôles qui donnent souvent un peu chaud, joue un prêtre dans les années 1950 – déjà, on se dit que ça va pas rester catho très longtemps. L’homme d’Eglise, écarté de son ministère de Lyon pour cause de galipettes peu orthodoxes, est envoyé dans un petit village tout innocent et particulièrement reculé, Albon en Rhône-Alpes.

Le curé, beau comme un Judas, ne tarde pas à se faire adopter par le tout Albon, en particulier par sa gent féminine. En bon ecclésiastique, il pratique le prêche avec une assiduité déconcertante. Auprès de ces dames, il évangélise à grands coups de séduction. La bonne parole se propage, avec un sourire par-ci, une gentillesse par-là… Un jour, le brave homme sort « comme par miracle » une fillette de la maladie et devient dès lors le héros national. Enfin, local. L’hédoniste Adonis fréquente alors la châtelaine de la région. Certes pas pour lui faire la lecture. Elle, la bourgeoise fine et jouisseuse délicate, interprétée par la grande Dominique Blanc, alterne les ports de reine qu’on lui connaît, superbe et altière, et les regards graves de vieille maîtresse soumise, folle de son amant qui la sort occasionnellement de la morosité de ses journées. Notre prêtre a l’appétit grand. Il définit son nouveau village, sa paroisse, comme un verger luxuriant et splendide où ses « jolis cœurs » de femmes (comme il les appelle) sont des fruits juteux au nectar enivrant. Il les croque toutes : de la laitière à la pauvre des pauvres, toutes sont évangélisées à l’horizontale. Jusqu’à la rencontre avec la douce Rose qui, en plus d’être une fleur délicate, a perdu la vue. La tentation devient de plus en plus en grande, le mystère attise la gourmandise. Mais peut-être le prêtre est-il encore plus aveugle que sa proie…

Philippe Ramos s’est inspiré d’une terrible affaire, celle du curé d’Uruffe qui préférait, de loin, les sports en plein air à la confesse, et les femmes au célibat. L'une d'elles y laissera d'ailleurs la vie. Melvil Poupaud séduit par son jeu pétillant, mimant le curé de campagne avec les manières d’un personnage de Molière. Entouré de ses mignonnes, il tartuffe à gogo ces dames, prêche à son avantage, se fait taper sur le bout des doigts par les supérieurs hiérarchiques du coin. Le réalisateur de ‘Fou d’amour’ filme le fait divers comme une sorte de conte. Si l’on voit dès le début du métrage le prêtre se faire trancher la tête (résultat sanglant de ses forfaits), sa voix de velours continue de résonner tout au long de la narration, et raconte le chemin vers l’horreur et la perte du bon sens en plusieurs tableaux. On entre sans difficulté dans le manège que nous propose Ramos. Le trio d’acteurs Melvil Poupaud, Dominique Blanc et la très juste Diane Rouxel (que l’on a pu remarquer dans ‘La Tête haute’ d’Emmanuelle Bercot) fonctionne, menant la tension à son comble. Une danse macabre réussie qui nous laisse un peu vacillants, tant l’émotion et la violence sont fortes et parfois inattendues. Une vision qui nous sèche la gorge. Comme un âpre goût de sang, sans doute.

Écrit par
Hannah Benayoun
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