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Leviathan

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Leviathan 2014
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Si ‘Leviathan’ paraît débuter comme un classique film russe estampillé Cannes (où il reçut, d’ailleurs, le prix du Scénario), son caractère contemplatif, hiératique, se voit bientôt battu en brèche par un montage surprenant, haché, et des accélérations du temps narratif qui pourraient évoquer un Scorsese s’immisçant entre deux tranches de Tarkovski. Sur 2h20, le film suit Kolya (Alexei Serebriakov), mécanicien et garagiste d’une quarantaine d’années, marié à la belle Lilya (Elena Lyadova), et père d’un adolescent taciturne (Sergey Pokhodaev). Lorsque vient à sa rencontre le Leviathan du titre – c’est-à-dire l’Etat, en référence à la fameuse œuvre de Thomas Hobbes où « l’homme est un loup pour l’homme » – c’est sous la forme du maire de sa petite ville, qui, sévèrement bourré, menace Kolya de l’exproprier de sa maison afin d’y construire un projet de son cru. Cependant, Kolya n’entend pas se laisser forcer la main, et a alors recours à l’aide d’un ami avocat, Dmitri (Vladimir Vdovichenkov).

Ainsi, ‘Leviathan’ commence comme une fable sociale sur la corruption du pouvoir, sur l’intimidation du peuple et la résistance de celui-ci à la violence bureaucrate. Mais bientôt, le film d'Andreï Zviaguintsev multiplie les directions, suivant tel ou tel personnage inattendu dans son intimité, avant de rebrousser chemin, d’en trouver un autre. A l’inverse, le film sait également jouer sur les non-dits et le hors-champ, avec d’efficaces effets de surprise ou d’ingénieux retournements de situations. Comme s’il cherchait une issue dans un labyrinthe des destins, se heurtant aux murs de la fatalité au gré de la quinzaine de personnages que ‘Leviathan’ suit, de près ou de loin. Quant à Kolya, on le verra, il n’est pas au bout de ses peines, maudit comme pourrait l’être un second rôle de Dostoïevski plongé dans l’administration poisseuse du ‘Revizor’ de Gogol. Fresque opéradique malmenant ses personnages à bout de souffle, ‘Leviathan’ montre l’individu écrasé par son milieu, et une société où la rationalité n’est que cynisme et le reste brutalité absurde. Mi-farce tragique, mi-polar social aux accents métaphysiques, ‘Leviathan’ ne laissera certainement pas indifférent. Mais il laissera aussi sans le moindre espoir quant aux jeux du pouvoir et à l’animalité des hommes.

Écrit par AP
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