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Françoise Huguier

  • Art, Photographie
  • 4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Quand Françoise Huguier débarque au Mali en 1982, c’est la panne sèche. Après le Japon grouillant de monde, de couleurs et de détails, l’Afrique. Ses paysages délavés, ses superstitions, sa lenteur, son peuple méfiant face à l’objectif. « Je ne suis pas loin de la déprime […]. Est-ce que je sais encore photographier ? Je vais devoir faire preuve d’imagination », écrit la photographe*. De l’imagination, elle en a à revendre. Françoise Huguier retombe toujours sur ses pattes. Traverse chaleurs désertiques, froids sibériens, villes asiatiques et défilés de mode sans jamais trahir sa curiosité, son regard à la fois documentaire et intimiste, son sens du cadrage qui écrème la réalité pour raconter des histoires, en laissant les évidences superflues sur le bas-côté de l’appareil. Où qu’elle aille, l’ancienne du New York Times et de Libération va au plus profond des territoires qu’elle parcourt, s’adapte, trouve constamment des solutions. Au Mali, ce sera finalement le noir et blanc. Les rayons de lumière presqu'ésotériques qui arrosent les habitants d’un village. Une main brune qui sort du cadre pour se poser sur une épaule devant les chutes du Nil. Des ombres, de la poussière, des cases mortuaires et des personnages elliptiques qui, pris dans leur ensemble, forment un continent envoûtant : son « Afrique fantôme ».

L’exposition de la MEP honore une photographe qui s’aventure bien au-delà du simple reportage, pour atteindre quelque chose d’unique : une signature, ce sceau très personnel qui distingue les grands photographes des bons photographes tout court. Dans ce club d'initiés, Françoise Huguier s’inscrit du côté des baroudeurs – du côté des René Burri ou des Marc Riboud, mais sans forcément traîner derrière elle le lourd bagage humaniste hérité de Cartier-Bresson. Ici, il n’y pas un instant décisif, mais des instants décisifs : ces moments longs et incertains où il ne se passe rien dans la chambre noire, et durant lesquels la photographe apprend à comprendre le lieu dans lequel elle vient d’atterrir, invente un langage sur mesure pour exprimer l’univers de chaque pays, chaque région. Un esprit d’aventure auquel se mêle une humilité qui lui permet de tisser des liens privilégiés avec les personnes qu’elle croise ; comme une Diane Arbus ou un Chris Killip, la Française est capable de s’immiscer dans des communautés totalement coupées du monde, de s’y faire une place, d’entrer dans leur intimité (surtout celle des femmes) sans pour autant les bousculer.

En Sibérie, son « voyage de l’extrême », celui qui l’a le plus marquée, Huguier nous confronte à un monde extérieur blanchi par la neige et le froid, avant de nous propulser dans des intérieurs inattendus : colorés, chauds, éclatants de vie. Au Cambodge, son périple le plus personnel, elle redécouvre le pays où elle avait été séquestrée à l’âge de 8 ans par le Viet-Minh, jouant avec le noir et blanc et la couleur pour montrer que les choses ont changé mais que tout est resté comme avant. Dans les appartements communautaires de Saint-Pétersbourg, elle peint des tableaux classiques tout en clairs-obscurs, lorsqu’elle capture, par exemple, un simple échange de briquet entre deux femmes. Que l’on se trouve devant la collection Christian Lacroix de 1999 ou dans une chapelle de nonnes colombiennes, les photos d’Huguier nous donnent toujours l’impression d’être à deux doigts de percer un mystère. De frôler un secret.

* Extrait du nouveau livre de Françoise Huguier, 'Au doigt et à l'oeil', éd. Sabine Wespieser, 2014.

> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h45.

> A découvrir également :

L'expo 'Etranges Beautés' de Françoise Huguier à la galerie Polka, jusqu'au 2 août.

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Adresse
Prix
De 4,50 à 8 € (gratuit le mercredi de 17h à 20h)
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