Grégoire Korganow : Prisons

  • Art, Photographie
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

On en a vu, des reportages sur la vie carcérale. Mais rarement de ce calibre. Rarement aussi édifiants, justes, indignés. Grégoire Korganow n’a pas passé une petite après-midi en « zonzon » à photographier des couloirs vides, une scène de fouille improvisée pour épater la galerie et quelques bastons qu’on surjoue un peu par habitude, un peu parce qu’à côté, il y a le mec là avec son appareil photo. Non, la taule, Korganow connaît comme sa poche. Le photographe a passé trois ans à sillonner les prisons françaises en tant que contrôleur, poste qu’il a décroché pour pouvoir circuler librement dans ces lieux coupés du monde, aller au plus près des détenus et livrer un photoreportage sans précédent sur les conditions de vie en milieu pénitentiaire.

Demeurant entre cinq et dix jours dans chaque établissement, Grégoire Korganow a pu se faufiler dans les cellules, les douches, les parloirs et les cours intérieures, où l’on s’offre sa « promenade » quotidienne entre quelques remparts de barbelé ou de ciment, parfois trop hauts pour laisser passer le soleil. Il a pu saisir l’ennui étouffant, les humiliations étouffantes, la solitude étouffante, l’hostilité étouffante, la surveillance étouffante, la dépression étouffante et apercevoir, de loin, les infimes bouffées d’air englouties pendant les retrouvailles avec la famille. Il en est revenu avec une colère contenue, un besoin de montrer. De dénoncer, en montrant l’intimité de l’enfermement. Avec ‘Prisons’, Korganow accuse et se fraie une place sur le grand arbre généalogique de la photographie sociale, aux racines duquel on retrouve les usines de Lewis Hine, l’asile de Charles Nègre ou les slums de Jacob Riis.

Dans le sous-sol confiné de la MEP, murs gris et lumière crue, on se retrouve nez-à-nez avec une réalité peu spectaculaire. Douches insalubres, matelas pourris, murs râpés, regards absents, traces d’automutilation, étreintes conjugales surveillées de près, rituels avilissants, violence latente, silence… On s’était fait une vague image de l’inhumanité des prisons françaises, où plus de 67 000 détenus se serrent comme du bétail dans des établissements conçus, au total, pour un maximum de 57 000 résidents. Nous voilà face à l’aliénation en chair et en os, mise à nue avec une pudeur consciencieuse. Sans drame, sans misérabilisme. Juste des langages corporels, des architectures désincarnées, des coups d’œil qui trahissent l’horreur d’un système qui se casse les reins et brise ceux qui s’y soumettent.

« Je saisis l’indicible, le temps qui s’arrête, la vie qui rétrécit, qui s’efface », confie le photographe. Dans chaque espace, un texte, factuel, raconte l’envers du mythe carcéral, souvent fantasmé par le cinéma, la littérature, les médias. Si les photos de Korganow parlent d’elles-mêmes, les mots en rajoutent une couche, détaillant l’organisation de ces microcosmes où « la répétition de traitements indignes (…) transforme l’ordinaire en cauchemar ». Certaines phrases font l'effet d'un coup de poing dans le ventre. L’une d’entre elles nous colle à la rétine comme du mazout : « En France, tous les trois jours, une personne détenue se suicide. »

> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h45.

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Prix
De 4,50 à 8 € (gratuit le mercredi à partir de 17h)
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