Renzo Piano, l’architecte aux 130 mains, aux centaines d’édifices et aux nombreux projets en cours s’expose à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Dans une scénographie qu’il a lui-même conçue, le créateur de lignes, sensible au « génie du lieu », présente un large aperçu des travaux qu’il a réalisés depuis sa première création en 1977, le centre Pompidou (en collaboration avec Richard Rogers). Panorama plus que rétrospective, l’exposition présente une quinzaine de réalisations menées par l’agence Renzo Piano Building Workshop: la fondation Pathé (Paris 13e), le « Shard » (Londres), la citadelle d’Amiens, le musée d’art contemporain Astrup Fearnley (Norvège), la porte de la Valette (Malte), le palais de Justice (Paris 17e)…
Du paysage à la ville, de la ville dans la ville aux hauteurs, des matières à la technicité, le parcours déploie toute l’ambitieuse modernité de l’architecture de Piano. On circule facilement et avec plaisir dans cette pièce tout en longueur, dont l’architecte a légèrement obstrué les fenêtres afin que la lumière y soit plus douce. De grandes tables rectangulaires, dont nos pas suivent l’enchaînement limpide et clair, présentent tour à tour l'élaboration d'un projet de l’agence à travers une riche documentation (photos, plans, maquettes, objets). Les chaises disposées autour de chacune d’elles non seulement nous invitent à nous asseoir pour mieux regarder les outils disposés sur la table de travail, mais elles nous donnent aussi l’agréable impression d’être conviés à une réunion de chantier. Participative et collaborative, la dynamique de Renzo Piano inclut toujours l’autre, le commanditaire bien sûr, mais aussi celui qui voisinera avec son œuvre, le passant, l’habitant… Poursuivant cette volonté d’ouvrir l’espace à celui qui y entre, l’architecte investit la salle d’exposition et la travaille de façon à ce que le visiteur ressente l’art architectural de façon subtile mais physique.
Et l’on a du plaisir à être au milieu des maquettes en apesanteur, à écouter les « partners »de son agence expliquer la fabrication de leurs idées, à se plonger dans les immenses photos des lieux terminés, à comprendre l’incidence qu’a un bâtiment sur le comportement de ceux qui le côtoient. On découvre son œuvre par les parcelles de terrain qu’il a transformées et dans lesquelles est toujours visible son éthique de bâtisseur. Laquelle repose sur la volonté d'économiser moyens et énergie au profit d’une technicité écologique, indépendante et s’inscrivant dans l’espace et la culture où elle naît. En témoigne l’un de ses derniers projets en cours, le centre de chirurgie pédiatrique d’Entebbe en Ouganda bâti avec la terre même du pays, une argile rouge qui sert d’habitude à la construction des maisons. Sa carrière est pleine d’inventions basées sur ce type de réappropriation d’un savoir traditionnel, d’une étude poussée du terrain, de l’observation du lieu pour en augmenter le « génie ».
Architecte moderne par excellence Renzo Piano est l’un de ces créateurs d’espaces qui marquent autant le paysage que les hommes. C’est pour cela que découvrir un pan de son œuvre est à la fois important, exaltant et totalement fou ! On est sans cesse surpris par son esprit rusé qui invente des collines, réussit à subvenir aux besoins quotidiens d’un centre culturel avec seulement un toit photovoltaïque ou impose à Paris un palais de justice entièrement transparent !