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Vincent Van Gogh / Antonin Artaud. Le Suicidé de la société

  • Art, Dessin
  • 3 sur 5 étoiles
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

En 1947, soit un an avant sa mort, Antonin Artaud publie 'Van Gogh, le suicidé de la société', fulgurant essai poétique, rédigé en versets d'une oralité dézinguée et flamboyante, qu'on retrouve comme fil conducteur de cette exposition au musée d'Orsay. 

Hélas, ce ne sont ici que de courts extraits, disséminés en guise de commentaires des toiles du peintre néerlandais. Bien sûr, les citations d'Artaud, définitives, écorchées, éclairent avec puissance et acuité l'œuvre de Van Gogh, mais en perdant immanquablement au passage l'unité du texte d'origine, ses détours, sa violence torrentielle et son implacable acte d'accusation à l'égard des institutions psychiatriques, culturelles ou sociales – qui, selon le poète, poussèrent Van Gogh au suicide. Bref, mieux vaudra donc, avant de se rendre à Orsay, s'immerger dans le court essai d'Artaud, au risque de se méprendre sur sa nature : à la fois cri de rage, imprécation et autoportrait, bien plus que critique, commentaire ou audioguide. 

Heureusement, pour rendre justice au poète, le musée d'Orsay présente quelques-uns de ses dessins (qui anticipent d'ailleurs parfois étonnamment Jean-Michel Basquiat), ainsi qu'une série de photos et des extraits de films où apparaît Artaud, acteur chez Carl Theodor Dreyer, Abel Gance, Marcel L'Herbier ou Maurice Tourneur. Ce qui ne parvient pas réellement à épuiser la personnalité complexe de l'auteur de 'L'Ombilic des limbes', mais reste une assez bonne présentation de ses multiples facettes artistiques. 

En somme, on l'aura compris, davantage qu'Artaud, c'est Vincent Van Gogh qui se retrouve véritablement au cœur de l'exposition, avec plusieurs dizaines de tableaux et dessins : portraits, natures mortes – dont un fascinant 'Crabe sur le dos' de 1889 – mais surtout paysages. Car ce qui explose littéralement à la figure du visiteur, c'est la puissance nouée, charnue, massive de la nature dans ces huiles sur toiles signées Vincent ; parmi lesquelles on retiendra notamment les superbes 'Forêt de pins au déclin du jour', 'Le Jardin de l'hôpital Saint-Paul' (tous deux datés de 1989) ou 'Chaumes de Cordeville à Auvers-sur-Oise' (1890). 

Si l'accusation de folie, le déclassement social ou le statut d'artiste maudit lient à l'évidence Van Gogh et Artaud, ces thématiques n'apparaissent finalement qu'assez succinctement dans l'exposition : ce qui, au fond, a sans doute le mérite d'évacuer les caricatures de type « carnaval des maboules » qui auraient été à craindre. Mais on se demande tout de même si le musée n'aurait pas pu creuser davantage les liens entre hypersensibilité, marginalité, désordre psychique et créativité. Ici, plutôt, la peinture de Van Gogh trône solitaire. Vrombit, gronde, enrage tandis qu'Artaud glossolalise. Rien de nouveau sous le soleil, donc. Si ce n'est son éblouissement renouvelé, hypnotique, et les yeux du visiteur crevés par ses convulsions huileuses.​

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9 €
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