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Yves Marchand & Romain Meffre, 'Theaters'

  • Art, Photographie
  • 4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

« Les ruines sont une terre fantastique où l'on ne sait plus si c'est la réalité qui glisse vers le rêve ou si c'est, au contraire, un brutal retour du rêve vers la plus violente des réalités. » Une phrase en forme de manifeste qui introduit le premier ouvrage d’Yves Marchand (né en 1981) et Romain Meffre (né en 1987), magnifique hommage aux vestiges de Détroit (2010). En 2005, les deux jeunes photographes français débarquent au milieu d’une « Motor City » en ruines, Pompéi du XXIe siècle dont ils écument les usines désaffectées, les salles de bal décrépites et les hôpitaux déchiquetés par l’abandon. Une image les marque : celle du Michigan Theater, grandiose bâtisse style French Renaissance, érigée en plein âge d’or hollywoodien avant d’être transformée en parking à la fin des années 1970. Le « movie palace » évidé, râpé de la tête aux pieds, incarne à lui seul la chute d’un empire. L’empreinte fuyante d’une époque coiffée de moulures et de vernis, à deux doigts de se volatiliser dans la poussière des vieux centres-villes américains.

Le Theater devient alors le sujet d’un nouveau travail typographique, sur les traces d'un début de siècle de splendeurs architecturales, où le cinéma était une expérience absolue, une sortie mondaine, comme peut encore l’être aujourd’hui une soirée à l'opéra. Marchand et Meffre sillonnent les Etats-Unis, saisissant les métamorphoses de ces salles fastueuses, inspirées du baroque, de l’art déco et des grands théâtres à l’italienne. Autant de temples bâtis par la Fox, la Paramount ou la Warner, avant d'être concurrencés par les grands écrans des banlieues et noyés, peu à peu, dans l’oubli. Obsolètes, momifiés. Certains sont désormais en ruines, d’autres ont été transformés en lieux de stockage, en terrain de basket, en boutique de chaussures.

Le duo ose des cadrages neutres. Grands angles, banals comme une vue de stade en fin de match. Et pourtant, d’image en image, ces charpentes nues prennent une ampleur presque funèbre. Presque humaine : comme des portraits pris par des médecins légistes, venus documenter leurs balafres et leurs entrailles. La profondeur de champ intensifie le vide ; les plafonds béants semblent hurler en silence, la gueule grande ouverte. Imaginées pour accueillir des milliers de spectateurs, certaines salles sont dorénavant plongées dans l’obscurité : les photographes les éclairent à la torche pour en détailler les contours, comme des archéologues voués à retranscrire l’histoire des lieux, inscrite sur le crépit qui s'enfuit des murs. Pendant ce temps, en coulisses, quelques bobines étripées gisent dans le souvenir de Marlene Dietrich. Aussi fragiles que les ambitions qu’ils ont, autrefois, matérialisées, ces châteaux de cartes s’exposent à Polka sous forme de tirages imposants. Avant que le temps ne se charge, définitivement, de les balayer.

A lire aussi :

> Notre critique de l'exposition de Jesper Just au MAC/VAL (2011), dont un des courts métrages ('Sirens of Chrome'), sublime, a été tourné dans le Michigan Theater de Détroit.

Infos

Site Web de l'événement
www.polkagalerie.com
Adresse
Prix
Du mardi au samedi de 11h à 19h30 / Entrée libre
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