Si la saison précédente avait été une déception, celle qui commence à peine à la Maison de la culture de Bobigny s’annonce étonnamment excitante. Et à en croire l’agitation dans le hall du théâtre, le duo Murobushi/Bartabas n’y est pas étranger. A jardin, recroquevillé sur un piano, Ko Murobushi est à peine perceptible. Le corps recouvert de peinture argentée et habillé d’un sobre costume noir, le danseur japonais se tord puis, fermement, s’appuie sur ses membres. Quasiment invisible, il est comme traversé par une énergie animale qui répond avec magie au sublime ‘Chants de Maldoror’ lu par Jean-Luc Debattice. Voix de velours absorbée dans les ténèbres. Puis le voile laiteux qui cachait la scène se décroche en une douce cascade de tissu, dévoilant un large plateau noir de jais. Face à cette scénographie épurée, l’orgasme esthétique nous étreint violemment. La cérémonie peut enfin commencer. Aux mouvements saccadés du maître du Butô, se superpose alors la puissance fantasmagorique du cheval. Monture ébène surmontée d’une silhouette enroulée de tissu pour figurer l’union de l’homme et de l’animal. Illusions d’optique et jeux de lumière pour mettre en perspective l’invasion de la bête contée par Lautréamont. Pendant l’heure de spectacle, les deux entités ne se rencontreront jamais. Ko Murobushi, l’animal, restera sur son avant-scène immaculée ; pendant que Bartabas et son équidé, le centaure, circuleront sur la terre battue. Il n’y aura guère qu’un miroir pour faire dialoguer les ombres entre elles. Dans cette pénombre calculée, la langueur impose son rythme au corps torturé de Murobushi et nous invite à une heure glaciale dans laquelle la tension est tangible mais avale littéralement toute émotion. Et c’est peut-être l’unique chose qui manque à ce sublime spectacle…Un supplément d’âme.
Le Centaure et l'animal
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