Recevez Time Out dans votre boite mail

Francofonia : le Louvre sous l'Occupation

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
francofonia
Publicité

Time Out dit

4 sur 5 étoiles

« J’ai le sentiment que ce film est raté. » Voilà une manière bien étrange pour Alexandre Sokourov d’introduire le successeur de son ‘Faust’, Lion d’or à la Mostra de Venise 2011. C’est pourtant ce qu’il confie, au début de ‘Francofonia’, à son ami navigateur pris en pleine tempête dans son cargo transportant des œuvres d’art. A moins que ce marin ne soit une représentation métaphorique du Sokourov réalisateur, en pleine tourmente vis-à-vis du médium cinéma.

On connaissait l’obsession du réalisateur pour la culture européenne et son histoire, sujets déjà abordés dans ses excellents ‘Moloch’ (centré sur Eva Braun, la compagne d’Hitler), ‘L’Arche russe’ (une errance au fil du temps dans les salles du musée de l’Ermitage) ou encore ‘Faust’. Avec ‘Francofonia’, il aborde finalement moins le thème du « Louvre sous l’Occupation », comme voudrait le laisser entendre le sous-titre, que celui de la France aux mains des nazis, de la relation entre Jacques Jaujard (directeur du Louvre) et Franz Wolff-Metternich (à la tête de la Commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France), ou encore de la « mémoire des œuvres », ou comment elles captent l’essence d’une époque.

A la variété de ces préoccupations répondent les divers formats cinématographiques utilisés, renforçant le caractère composite (et parfois bancal, il faut bien le dire) du film. Des images d’archives pour laisser parler l’histoire, des scènes tournées dans le Louvre de nuit et réunissant Napoléon et Marianne, une fiction qui se présente comme telle mettant en scène Jaujard et Metternich, Sokourov parlant à son ami depuis son bureau… Nous voilà très loin du plan-séquence de 96 minutes utilisé pour ‘L’Arche russe’ en 2002, tourné dans le musée de l’Ermitage. Ici, le réalisateur a préféré l’usage du fragment, pour évoquer plutôt que décrire ou analyser, sans pour autant abandonner l’exploration formelle ; d’une bande de fréquences sonores ajoutée sur la reconstitution historique, à ces magnifiques distorsions de tableaux leur donnant une dimension inédite.

Fragmentaire et composite, ce long métrage n’en reste pas moins cohérent et passionnant, tenant son spectateur en éveil du début à la fin. Alors quitte à lui donner tort, non ce film n’est pas un échec. Juste que le relatif dégoût de Sokourov pour le médium cinéma, comme il l’explique dans son interview aux Cahiers du cinéma reprise dans le dossier de presse, fait de ce ‘Francofonia’ un objet assez froid et mort, ou du moins distant. Alexandre Sokourov, un Russe qui noie sa mélancolie dans la culture ?

Écrit par
Nicolas Hecht

Crédits

  • Réalisateur:Alexander Sokurov
  • Scénariste:Alexander Sokurov
Publicité
Vous aimerez aussi