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Jodorowsky's Dune

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Retour sur l'un des plus grands films fantômes de l'histoire du cinéma : l'adaptation par Alejandro Jodorowsky de 'Dune', le roman culte de Frank Herbert.

Au panthéon des grands rendez-vous manqués du septième art, quelque part entre le ‘Napoléon’ de Stanley Kubrick et ‘L’Enfer’ de Henri-Georges Clouzot, trône depuis quatre décennies, fantôme parmi les fantômes, l’adaptation du roman culte de Frank Herbert, ‘Dune’ par Alejandro Jodorowsky. Jamais réalisé, le projet avait pourtant à peu près tout pour aboutir à un chef-d’œuvre de la science-fiction, dès le milieu des années 1970. Pour expliquer cet échec, ce documentaire de Frank Pavich nous replonge dans la genèse du travail de Jodorowsky – évoquant assez la démarche de films comme ‘Lost in La Mancha’ ou ‘Au cœur des ténèbres’. Or, malgré un traitement très classique (constitué principalement d'interviews face caméra), ‘Jodorowsky’s Dune’ se révèle souvent passionnant.

Il faut dire qu’en 1975, Jodorowsky commence à avoir furieusement le vent en poupe après le succès inattendu de ses films ‘El Topo’ (1970) et ‘La Montagne sacrée’ (1973) – ce dernier s’inspirant du ‘Mont analogue’ du génial et méconnu René Daumal. Un imaginaire débordant, une force de travail coulant de source et un charme latino-américain à tomber par terre : Jodo semble bien tout avoir pour mettre le monde à ses pieds. Pour adapter ‘Dune’, il décide donc, selon ses propres termes, de s’entourer de « guerriers spirituels ». A la production, le tenace Michel Seydoux. Au storyboard, l’incroyable Jean Giraud (Moebius). A la musique, Pink Floyd et Magma. Et devant la caméra, un casting complètement dingue, mêlant Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine et le jeune fils de Jodorowsky, Brontis (que le cinéaste chilien a récemment retrouvé au cinéma avec ‘La Danza de la realidad’).

En somme, un projet titanesque réunissant certains des plus grands artistes de l’époque. Et conçu au millimètre, à travers un storyboard épais comme un bottin téléphonique et des détails de mise en scène d’une précision dingue, grâce auxquels le documentaire réussit à joliment effleurer ce qu’aurait pu être ce film, restituant l’esprit d’une œuvre de cinéma prophétique. Mais hélas avortée… Pourquoi ? Pour le dire vite, parce que Jodorowsky. Parce que la trouille des producteurs devant une imagination aussi puissante et insolente. Parce qu’entre l’art et l’argent, il y a nettement plus qu’une syllabe. Plutôt un gouffre.

Pourtant (et c’est là l’une des grandes forces de ‘Jodorowsky’s Dune’), le réalisateur n’a pas d’amertume. Il évoque son projet avec passion, enthousiasme, érudition… Et s’il reconnaît sa tristesse devant l’abandon du film par les studios américains, alors que le tournage était sur le point de commencer, que tous les rouages semblaient huilés, Alejandro reste toujours philosophe. Au fond, son œuvre, quoique manquée, en aura inspiré des paquets d’autres (citons pêle-mêle ‘Star Wars’, ‘Alien’ ou ‘Blade Runner’). Et sa collaboration avec Moebius aura plus tard donné la série de BD, ‘L’Incal’… Finalement, il faut savoir pousser un mal à accoucher d’un bien, nous explique Jodo, toujours rieur. Et là, c’est bien plus qu’une simple leçon de cinéma fantomatique qu'il nous prodigue. C'est une leçon de vie bien réelle.

Écrit par
Alexandre Prouvèze

Détails de la sortie

  • Durée:90 mins

Crédits

  • Réalisateur:Frank Pavich
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