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La Porte du paradis, version restaurée

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Porte du paradis
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Flop retentissant et catastrophe financière à sa sortie en 1980, ‘La Porte du Paradis’, superbe western négatif de Michael Cimino, ressort en salles dans une version monumentale de 3h36 ! Fresque sur la violence de la conquête de l’Ouest, sur le racisme et la naissance de la lutte des classes aux Etats-Unis, le (très) long métrage de Cimino met aussi en scène un très beau triangle amoureux, où le viril Kris Kristofferson et le reptilien (mais héroïque) Christopher Walken se disputent une Isabelle Huppert à tomber par terre – Huppert qui, la même année, tourne par ailleurs chez Pialat (‘Loulou’) et Godard (‘Sauve qui peut (la vie)’). Balèze.

En suivant les aventures de James Averill (Kristofferson) de 1870 à 1903, ‘La Porte du Paradis’ permet à Cimino de livrer une vision panoptique et flamboyante, nostalgique et cruelle de la constitution de la civilisation américaine, entre liberté anarchiste de cow-boys et instauration d’un pouvoir par les autorités gouvernementales – qui ressemblent surtout à des lobbies de gangsters en costumes. Original, le contenu politique du film parvient ainsi à lier, en un grand écart audacieux et réussi, critique sociale marxisante (à contre-courant de l’idéologie de l’époque) et utopisme libertaire. Le Far-West du réalisateur, implacable, en devient un rêve d’immigrants irlandais, polonais ou français – d’où l’accent très frenchy de la belle Isa en tenancière de bordel – réduit à néant par le capitalisme triomphant de la fin du XIXe siècle.

Bref, des acteurs formidables, un carnaval de pilosité – entre un Kristofferson à barbe, ostensiblement repompé par Christoph Waltz dans ‘Django Unchained’, et Walken en justicier sec, tendu comme une trique derrière sa fine moustache –, un propos solide… mais aussi et surtout des images à couper le souffle ! Célèbre pour sa précision maniaque, Cimino a souvent des plans et des mouvements de caméra qui le situent tranquillement entre Visconti et Kubrick. Le traitement des couleurs, dans cette version restaurée, se révèle d’ailleurs bluffant ; et le film a donc beau être long, très long, le spectateur passe d’une séquence à l’autre, au gré d’inquiétantes ruptures de ton, avec une fascination renouvelée pour la violente et grandiose esthétique de ce film maudit. Dont on ne peut qu’applaudir chaleureusement la résurrection.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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