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C’est un film qui ne laissera personne indifférent. Synthèse inédite (ou presque ; on pense aussi au récent ‘The Grandmaster’ de Wong Kar-wai) entre cinéma d’auteur et film d’arts martiaux, ‘The Assassin’ déjoue les attentes du genre pour plonger le spectateur dans une incroyable expérience sensorielle. Ou, pour le dire autrement, le cinéaste taïwanais Hou Hsiao-Hsien offre ici une définition du cinéma qui dépasse de si loin le cadre de l’intrigue filmée traditionnelle qu’on finit par se foutre totalement de son prétexte scénaristique, pour céder à l’ivresse de ses plans-séquences, de son exploration de la matière visuelle (lumières, étoffes, voilages et tissus, végétaux, poudres et fumées…) et sonore, lorgnant parfois vers la symphonie de bruissements.
Malgré cela, l’histoire a tout pour être mythique : Yinniang (la fascinante actrice Shi Qi, déjà présente chez Hou Hsiao-Hsien dans ‘Three Times’ et ‘Millenium Mambo’), jeune aristocrate chinoise du IXe siècle formée aux arts martiaux, se retrouve impliquée dans un conflit entre les puissances centralisatrices de la Chine et des autorités locales séditieuses. Peu à peu, l’héroïne va devoir faire un choix cornélien entre son devoir – tuer son cousin, dissident en chef – et les sentiments amoureux qu’elle éprouve pour cet ennemi déclaré. Quelques intrigues secondaires apparaissent également ici et là, sans qu’on s’y attarde véritablement : encore une fois, l’intrigue n’est ici que prétexte à une sensualité cinématographique ahurissante.
Son et images, donc ; mais aussi un art du montage à couper le souffle, véritable chorégraphie sensitive, jouant sur l’alternance d’une langueur contemplative et de brusques moments de violence, qu’on a à peine le temps de percevoir. Art des mouvements, des fluctuations et des contrastes, le cinéma de Hou Hsiao-Hsien emporte les sens des spectateurs dans un ballet magistral. Sans doute trop, peut-être, aux goûts de certains. Et pourtant, rien d’étouffant dans ‘The Assassin’ (comme cela pouvait être le cas d’autres films à l’esthétique forte, qu’il s’agisse de ‘The Revenant’ ou du dernier ‘Mad Max’). Au contraire, le long métrage de Hou Hsiao-Hsien ne cesse de tendre à l’ouverture, à la caresse. Vers une sublime évanescence. Une véritable claque filmique, mais douce et délicate comme un frôlement.