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Gueule de Parisienne : Stéphanie Pfeiffer a créé le tumblr 'Gueules de Parisiens'

Écrit par
Emmanuel Chirache
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« Mon père m'a toujours dit de ne pas parler aux inconnus. Je ne l'ai jamais écouté. » C'est le sous-titre du tumblr 'Gueules de Parisiens' créé en 2014 par Stéphanie Pfeiffer, sur lequel l'étudiante publie des portraits photographiques accompagnés d'un petit texte. C'est frais, c'est coloré, c'est urbain. Paris dans un écrin. En quelques mois à peine, son site a séduit un public fidèle, à tel point que la jeune fille prépare une exposition au Batofar, dans laquelle elle souhaite présenter les « coulisses » de ses photos. Nous avons décidé d'en savoir plus sur cette étudiante originale, dont les boucles d'oreille sont des Carambars. Article garanti sans mauvaise blague.

Tu as commencé ton travail de photo à Philadelphie et New York avant de t'attaquer aux Parisiens. Quelle est la différence entre les deux ?

A Paris, le rapport au numérique et à Internet est totalement différent. Globalement, les gens sont plutôt contents d'être pris en photos et de recevoir les clichés quand je leur envoie, mais la grande question, c'est « Tu vas en faire quoi, des photos ? ». Il y a tout de suite un soupçon sur l'utilisation des photos, les Français veulent protéger leur image, Internet les inquiète. Alors qu'aux Etats-Unis, aucun problème ! Ils sont beaucoup plus habitués aux réseaux sociaux, plus à l'aise avec leur image, plus ouverts. Les Parisiens n'en sont pas là. Comme je suis une fille, spontanée et sympa, ça passe, même si certains me préviennent : « N'en faites pas quelque chose de mal ! ».

Il existe de plus en plus de blogs ou de sites Internet avec des portraits de gens, dans la rue ou ailleurs, comment te démarques-tu ?

Je pense que la valeur ajoutée, c'est la petite magie de l'histoire que je raconte à côté. J'ai remarqué que les gens sont énervés quand il n'y a pas beaucoup de texte. Les deux ne vont pas l'un sans l'autre, finalement. En réalité, je ne me revendique pas « photographe », je ne suis pas une professionnelle. Mes textes sont comme des épiphanies, ils me viennent d'un coup sans prévenir, parfois tardivement. Alors je pianote quelques lignes sur mon téléphone, et voilà.

Comment choisis-tu les Parisiens que tu photographies ?


Ce sont des coups de cœur, il faut que je me retourne quand je les croise. Il y a beaucoup de gens stylés, parce que j'adore la mode, mais une amie m'a prévenu : « attention, il ne faut pas que ça devienne trop hipster, ton tumblr. » Elle a raison. J'essaye de varier les plaisirs, de m'intéresser à des gens différents. Récemment, j'ai pris une boxeuse en photo, elle transpirait mais ça ne la dérangeait pas du tout, au contraire ! Elle a même voulu mettre son protège-dents. Le SDF qu'on aperçoit dans une cabine téléphonique, c'est ma première photo à Paris, ça m'a conforté dans l'idée du blog. Cette rencontre, c'était les montagnes russes de l'émotion. Au début, je l'ai trouvé très touchant, puis quand il m'a dit qu'il avait un revolver sur lui et qu'il avait fait 14 ans de prison, je me suis inquiétée un instant, mais ça s'est très bien passé, il posait quand je le prenais en photo. Ils ont rasé sa cabine récemment, alors je pense souvent à lui. Je le croisais sur mon chemin tous les jours, avant.


Et les éboueurs de la propreté de Paris ?

Eux, je les ai d'abord entendus ! J'ai pris la décision de faire la photo sans les avoir vus. C'était près du marché de l'Olive dans le 18e, ils se charriaient entre eux en parlant fort, une grosse bande de potes. Quand je les ai vus, j'ai halluciné et j'ai pris la photo. Récemment, j'en ai fait une similaire avec des ouvriers roumains, ils étaient ravis aussi.

Comment fais-tu pour ne pas te répéter, ne pas écumer tout le temps les mêmes quartiers ?

C'est vrai qu'il y a des quartiers où je ne vais presque jamais, comme le 13e, le 14e et le 15e par exemple. Pour éviter ça, j'ai trouvé une méthode : je me force à faire des activités dans d'autres quartiers, du sport dans tel arrondissement, voir un spectacle au 104, un opéra au Petit Palais, etc. Maintenant, je connais les heures de sortie du boulot de toutes les catégories de Parisiens, une sorte d'expertise sociale de Paris, c'est marrant. J'adore aussi me balader la nuit dans Paris, regarder à l'intérieur des appartements à travers les fenêtres allumées. C'est un peu comme les gens que je prends en photo : ce qu'il y a à l'intérieur est toujours surprenant.

© Stéphanie Pfeiffer

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