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La pièce dont vous êtes le héros

Écrit par
Elsa Pereira
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La plupart du temps, lorsque j'emmène quelqu'un avec moi au théâtre, il faut que je rassure. « Ne t'inquiète pas, c'est court », « C'est moderne, ça va être vivant » ou bien « La scéno a l'air géniale. » Il faut convaincre et vendre le spectacle. La plupart du temps le théâtre effraie parce que l'on craint de s'y ennuyer, parce qu'au théâtre, parfois (souvent ?), on voit le temps passer. La faute au quatrième mur ? A la diction théâtralisée ? Au format ? Les explications sont nombreuses. En France, encore aujourd'hui, le public est souvent oublié dans l'acte théâtral, on le place dans l'ombre, assis et dans un silence quasiment religieux. Osez commenter à haute voix et se soulèveront aussitôt une horde de « Chuuuut ! » exaspérés. Au théâtre, le public se tait, seuls les acteurs ont droit à la parole. C'est pourquoi la pièce de Christophe Meierhans, actuellement au NTDM, détone autant. Ca papote entre spectateurs, ça jacte à tout va, ça commente, ça râle et ça se lève sans mot dire. 'A cent guerres de la paix dans le monde' n'a absolument aucun ADN en commun avec la Comédie Française, et c'est tant mieux. Ici, aucun acteur sur scène, mais plusieurs kilos de farine, des douzaines d'œufs, un agneau (???), une batterie de casseroles, un four, une plancha : tout le nécessaire pour cuisiner. Dans la pièce de Meierhans, il n'y a pas de comédiens parce que c'est le public qui est au centre de la parole et du jeu, au cœur de l'action, c'est lui qui mène la danse, qui décide ou non d'obéir.

Le principe est clair, en entrant dans la salle, chaque spectateur est invité à choisir une balle de ping-pong sur laquelle figure un numéro. Un numéro précieux puisqu'il coïncidera avec un acte à accomplir en cuisine, c'est-à-dire sur scène, devant tout le monde : choisir, couper en morceaux ou brunir un ingrédient. La formulation est simple mais l'acte beaucoup moins. Faut-il suivre son intuition ? Demander l'accord des autres ? Agir seul ou demander de l'aide ? Qui accomplira son geste et s'enfuira dans l'ombre ? Qui restera sur scène ?

Le royaume de l'écoute se transforme ici en règne de la parole et de l'acte. Le silence a été remplacé par la parole, une parole nécessaire et essentielle, constitutive de la démocratie. Elle permet de communiquer, d'agir, de prendre des décisions, elle permet un consensus, un compromis. En cela, la pièce de Christophe Meierhans renoue avec l'essence même du théâtre. Il est une allégorie de la société. Un lieu de partage.

Quoi ? Verein...
Où ? Nouveau théâtre de Montreuil
Combien ? 22€

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