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Les activistes du goût : Max, cofondateur des Gars’pilleurs

Écrit par
Zazie Tavitian
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Max n’a pas attendu les polémiques et les récupérations politiques sur le gaspillage alimentaire pour s’intéresser au sujet. C’est en lisant un rapport de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) déclarant qu’un tiers des aliments produits finissent à la poubelle qu’il décide, il y a trois ans, de créer avec un ami Les Gars'pilleurs. L’idée ? Aller récupérer dans les poubelles des supermarchés les invendus jetés alors qu'ils sont consommables, puis organiser des distributions sauvages pour sensibiliser la population à la surproduction des grandes surfaces.

Rencontre avec un jeune homme engagé, originaire de Paris, un activiste sous pseudo dont l’idéalisme écologique et l’intransigeance politique font du bien face au discours ambiant souvent trop apathique. 

« On s’est faufilés à travers les grillages et les barbelés, on a plongé dans les poubelles et on y a trouvé des trésors. »

Time Out Paris : Quand est né le mouvement des Gars’pilleurs ?

Max : Il y a trois ans, j’étais étudiant boursier à Lyon et j’utilisais déjà le système D pour me loger, me déplacer, me nourrir. Mais le déclencheur a vraiment été cette étude de la FAO qui déclarait qu’un tiers des aliments produits n'étaient pas consommés. Avec un ami, on a alors prospecté pour comprendre où partaient ces aliments à chaque étape de la chaîne alimentaire, ce qui nous a amenés à la grande distribution qui jette 10 % de ses produits. On s’est faufilés à travers les grillages et les barbelés, on a plongé dans les poubelles et on y a trouvé des trésors.

Le mouvement s’est vite propagé ?

Oui, ça a vite buzzé. On tenait un blog à l’époque et très rapidement les messages de soutien ont afflué. L’idée est d’organiser des actions que l’on annonce 72 heures en avance sur les réseaux sociaux, tout le monde peut y participer. On localise les grandes surfaces, puis on se retrouve le soir en voiture pour glaner ce qui se trouve dans les poubelles des supermarchés, on plonge littéralement dans ces poubelles en utilisant nos sens pour trouver les produits comestibles. Le lendemain, on organise des distributions sauvages dans les villes. Il y a un an, on a sillonné 28 villes de France, pendant deux mois, on a récupéré 200 kilos de nourriture dans chaque ville : 6 tonnes de denrées en tout qu’on a distribuées dans une zone HLM de Bayonne, dans une rue pavée de Lille, etc. L’idée est de sensibiliser toutes les strates de la population. 

Que trouve-t-on dans les poubelles ?

Enormément de choses. Après Noël, on a organisé une distribution à Pantin (93), avec des fruits de mer, de la croissanterie, de la viande, des fruits. En Ariège, il y a une semaine, il y avait du foie gras, du saumon… Le « pire » que l’on ait trouvé ? Un saumon d'un mètre, 150 kilos de fruits secs dans un magasin bio, 127 litres de bière. Tous ces produits issus de l’agriculture intensive, traités, ne devraient même pas être comestibles. Le pétrole par définition, ça ne se mange pas.

« On appelle littéralement au boycott de la grande distribution. »

Pourquoi les distribuer alors ?

Pour sensibiliser, aller vers la masse qui va acheter à 98 % dans les grandes surfaces. Leur dire : « On vous invite à choisir d’autres modèles », « Vous êtes des êtres souverains. » La distribution est un prétexte. En réalité, nous appelons littéralement au boycott de la grande distribution, on leur dit : « N’allez pas vers eux mais vers une autonomie alimentaire. »

Comment ?

Les alternatives existent : les marchés de producteurs où les maraîchers vendent leurs propres fruits par exemple. Il faut utiliser des circuits courts.

Que répondez-vous aux personnes qui vous disent qu’il faut plutôt aider les gens démunis, les SDF ?

Ce n’est pas notre démarche. Les SDF ont su bien avant nous où trouver à manger. Ce n’est pas eux qui font tourner l’économie des grandes surfaces. On s’adresse aux consommateurs qui participent en achetant dans les grandes surfaces, à cette industrie de la surproduction.

  

Distribution à Châtelet

« Le vrai problème, c’est la surproduction : là on en train de régler les effets mais pas les causes profondes. »

Que pensez-vous de cette loi contre le gaspillage alimentaire, votée début décembre à l’Assemblée et qui devrait passer au sénat en janvier ? (Ndlr : la loi prévoit l’obligation pour les grandes surfaces de distribuer les aliments invendus.)

C’est une fuite en avant. L’Etat va forcer les grandes surfaces à donner ses invendus à des associations caritatives. Mais ces associations caritatives ne veulent pas de cette loi. Elles n’ont pas la main-d’œuvre, les moyens de les distribuer, sans compter qu’elles ont déjà bien souvent assez à donner dans leurs centres. Le vrai problème, c’est la surproduction : là on est en train de régler les effets mais pas les causes profondes. On devrait taxer la grande distribution, taxer les circuits longs, la nocivité des produits. Ces technocrates pourraient vendre des tongs au Brésil mais là ils vendent du vivant. Mais non, à la place de cela, ils seront défiscalisés à hauteur de 60 % pour leurs dons !

Mais alors, quel sera l’avenir de votre association si les poubelles sont vides ?

Nous ne sommes pas des communicants. Les acteurs qui ont voté la loi anti-gaspi vont en profiter pour dire que le problème est réglé. Mais le problème sera toujours là. Ce ne seront plus les poubelles des grandes surfaces mais celles des associations et des banques alimentaires qui seront pleines à ras bord. Nous allons continuer les actions un peu partout en France : à Poitiers, Marseille, Metz, Toulouse, Paris. Tout le monde peut créer son réseau de gars’pilleurs dans sa ville. Sur notre site, on trouve le mode d’emploi en open source. Nous allons aussi, sans doute, entreprendre des nouvelles actions où, à la place de la distribution, nous brûlerons les poubelles pleines d’aliments consommables… Nous ne nous affilions à aucun parti ou aucun autre mouvement. Pour nous, pas de pardon et pas de rémission, on veut rester intègres avec nos valeurs.

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