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On a rencontré Sebastian Schipper, le réalisateur du film événement 'Victoria'

Écrit par
Emmanuel Chirache
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Meilleurs film, réalisateur, actrice, acteur, musique, photographie. Ouch ! Lors des César allemands (les « Lola ») qui ont eu lieu la semaine dernière, 'Victoria' a tout raflé. Auparavant, le film avait déjà été récompensé au Festival de Berlin par l'Ours d'argent pour la meilleure contribution artistique, et couronné au Festival international du film policier de Beaune. Vous l'avez compris, le quatrième long métrage de Sebastian Schipper n'est pas un polar comme les autres. Tout d'abord, il s'agit d'un véritable plan-séquence de 2h20, tourné en temps réel entre 5 et 8h du matin dans un quartier de Berlin, une prouesse technique et physique exceptionnelle. Cette virtuosité n'explique pas seule le succès du film : 'Victoria' emmène le public aux confins d'une nuit blanche qui ressemble à un film noir, un moment de pure vérité durant lequel le spectateur n'est plus devant l'écran, mais bien à l'intérieur.

Il nous fallait absolument en savoir davantage sur cette œuvre saisissante, dont on conserve longtemps la trace en soi. C'est pourquoi nous avons rencontré Sebastian Schipper, cool et détendu malgré l'approche ce jour-là des récompenses allemandes. Au cours d'un entretien passionnant, nous avons découvert un homme amateur de métaphores (comptez-les ! il y en a beaucoup) et habité par une idée bien personnelle du cinéma.

Time Out Paris : Avant de parler de 'Victoria', j'aimerais vous dire que j'adore votre premier film, 'Absolute Giganten' ('Les Bouffons' en VF). Il est passé sur Arte il y a très longtemps, mais il reste introuvable en DVD avec des sous-titres en français, c'est énervant.

Sebastian Schipper : Vous connaissez le film ? Ah, ça me fait plaisir ! Est-ce que vous avez vu un film français qui s'appelle 'Thé au Harem d'Archimède' de Mehdi Charef ? Je l’ai vu à la télé en Allemagne, je crois que c'est un des premiers films sur la banlieue et j’ai adoré, alors que ce n’est pas très connu en France. Le film fait très années 1980, il est un peu maladroit, mais c’est un merveilleux film sur l’amitié. Mon héros, c’est Jim Jarmusch, je suis dingue de 'Stranger Than Paradise', 'Down by Law', etc. Des films plutôt lents, même si je ne sais pas si j’aime toujours la lenteur. Est-ce que 'Victoria' est lent ? Peut-être un peu au début... En Allemagne, 'Absolute' est mon premier film et il n’a pas bien marché au box-office, alors que tout le monde le connaît ! Tout le monde l’a vu en DVD, en fait. Le DVD est devenu si rare qu'il se vendait parfois à 60 € sur eBay. En gros, jusqu'à il y a trois mois, en Allemagne, j’étais le mec qui avait réalisé 'Absolute Giganten'. Aujourd’hui, je vais peut-être devenir le type qui a réalisé 'Victoria'.

Justement, d’où vient l’idée de 'Victoria' ?

Les idées du hold-up et d'un seul plan-séquence partaient d'une même volonté. Puis, je me suis dit que ce n’était pas possible, avant de finalement me raviser et de prendre ça au sérieux : « Putain, on s’en fout, je le fais ! » Au début, c’était une question d'hybris, pour voir jusqu'où je pouvais aller dans la démesure. Ensuite, vous vous prenez au jeu, vous devenez excité, et vous avez peur, très peur. En faisant le film, j’ai compris assez vite que c’était une idée impossible, du coup notre plan B était de tourner trois fois le film en entier, puis de combiner les prises avec des jump cuts. Nous avons aussi tourné les répétitions dans des conditions réelles, la nuit, pour avoir beaucoup de matériel. Mais après la seconde prise, j’ai vu des bouts d’une version jump cut du film et c’était nul [en français dans le texte, ndla]. C’est comme pendant un hold-up, vous avez des stratégies de fuite et un plan B, au cas où ça tournerait mal. Soudain un imprévu vous empêche de réaliser le plan B, alors vous savez que vous n’avez plus qu’une seule option. C’est ce qui m’est arrivé ! Entre la deuxième et la troisième prise, nous n’avions que 48 heures et j’ai cru que c’était mort. C’était très dur. Maintenant, nous sommes assis ici et nous parlons d’un film qui ne reçoit que des bonnes critiques, en Allemagne, ici en France, aux Etats-Unis. Il est vendu partout, nous sommes nommés dans sept catégories aux César en Allemagne [interview réalisée juste avant la cérémonie]… Tout d’un coup, nous sommes des cambrioleurs à succès.

Donc la bonne prise est la dernière ?

La dernière est la seule possible. C’est comme si 'Victoria' avait deux sœurs, qui ne sont ni charmantes, ni intelligentes, ni talentueuses. Elles sont moches.

Sur le tournage, vous pouviez communiquer avec tout le monde ?

Non, je n’avais pas de talkie-walkie pour parler aux gens. J’étais tout près derrière le caméraman, afin de pouvoir parler aux comédiens quand il le fallait. Je me cachais dans la voiture, aussi. J’étais un peu partout. Quand un truc se passait mal, je ne pouvais pas vraiment changer le cours des choses. Nous n’avions pas d’écran de retour, parce que ça pèse lourd sur la caméra et ça prend de la place. Or, le caméraman devait tenir la caméra sur ses épaules pendant plus de deux heures… C’est un film sur la perte de contrôle, sur comment laisser faire les choses, puis réagir ensuite pour y répondre. Sur le plateau, je ressemblais plus à un entraîneur de foot : je regarde le match et je donne mes consignes en fonction de ça, je rappelle à chacun sa position. Il fallait faire attention à ne pas agacer les acteurs non plus, il faut leur donner de la force et de la confiance, qu’ils aient l’impression que je suis là et que je surveille, mais qu’ils sont libres. Le film avait besoin de leur implication totale.

'Les Bouffons', premier film de Sebastian Schipper



Chose assez rare, un autre film tourné en un seul plan-séquence (faux, cette fois-ci) est sorti cette année : 'Birdman' d'Alejandro González Iñárritu. Qu'avez-vous pensé du film ?

Le film joue avec l’idée du plan-séquence, mais il n’essaye pas vraiment d’en être un. C’est une expérience, c’est un essai. Ce n’est pas la simple répétition du cinéma tel qu’on le connaît. 'Birdman', c’est 'Birdman', pas un autre film. Je respecte ce type de démarche, c’est ce que j’essaye de faire aussi. D’un autre côté, je dois dire que jusqu’à présent, tous les films réalisés en un seul plan-séquence sont très contrôlés. La caméra contrôle tout, que ce soit dans 'L'Arche russe' de Sokourov ou 'La Corde' de Hitchcock, ça conserve cette idée de tout contrôler dans le processus de réalisation, alors que 'Victoria' représente l’inverse : aller au-delà du contrôle, trouver une autre manière de faire du cinéma. Trouver le bon ton pour réaliser cet opéra punk et improvisé.

En effet, la plupart des plans-séquences au cinéma sont très travaillés, réalisés au steadycam ou à l'aide d'une caméra Dolly. Rien n’est laissé au hasard, alors que dans 'Victoria', le spectateur est immergé dans un mouvement où tout paraît possible.

Tout film possède un ADN, un peu comme un animal au milieu d’un grand zoo qui s’appelle le cinéma. On y trouve tout le temps les mêmes animaux, des clones, en quelque sorte. La plupart des films sont faits en référence à d’autres films, plus anciens, dont ils utilisent l’ADN. C’est très rare de voir un film avec un ADN différent, comme 'Birdman' par exemple, c’est la beauté et la valeur de ces œuvres. Dans le zoo du cinéma, trop d’animaux sont domestiqués aujourd’hui. Ils ne sont pas très dangereux et vous pouvez les caresser tranquillement. Les animaux sauvages se sont échappés et ils se trouvent désormais ailleurs, à la télé, où ils ont plus d’espace et plus de temps. J’adore les séries, comme 'True Detective' par exemple, c’est formidable, sombre et beau, mais je préfère le cinéma, j’aime cet endroit mystique où l’on s’assoit plusieurs heures. J’aime ça comme j’aime écouter un album ou lire un livre.

Le plan-séquence donne un sentiment de réalisme, est-ce que vous diriez que le montage est une forme de mensonge ?

On dirait une citation de Godard : « Chaque coupe est un mensonge. » Toute citation intelligente sur le cinéma vient de Godard, non ? Bon, les idiotes aussi. Non, je ne crois pas. 'Victoria' n’est pas un film sur la réalité, mais sur la vérité, et ça ne dépend pas du fait qu’il y ait un montage ou non. Ca dépend de votre volonté de raconter une histoire sans faire de compromis qui détruiraient l’esprit dans lequel vous faites le film. Nous ne voulons pas de bons films, nous voulons des films fous, énormes, bouleversants, stupides aussi. Nous ne voulons pas sortir d’une salle de cinéma en nous disant : « J’ai aimé ce film, qui n’a fait aucune erreur. » A l’ère numérique, n’importe qui peut faire quelque chose de beau. Quel intérêt ? L’acteur professionnel qui sait bien dire sa réplique, le réalisateur qui fait bien son boulot, le chef opérateur qui sait comment rendre belle une image, etc. Et après ? Parfois, j’ai l’impression d’être en vacances dans un endroit où tout est compris, sur un bateau en croisière où je n’ai rien à faire. Pourquoi pas ? Mais par pitié, ça ne doit pas être l’unique façon de partir en vacances ! Ces vacances sont faites pour éliminer toute contrainte, pour vous faire oublier ce qu’est la vie, c’est une définition de la mort pour moi : quand il n’arrive rien, c’est que vous êtes mort. Les meilleurs moments que j’ai passés en vacances, c’est quand j’ai loupé mon ferry, quand le restau était fermé, quand ma voiture s’est ensablée. Au début, c’est énervant, mais au final vous vous rendez compte que c’était un super moment. Votre ego est mis en sourdine, vous devez lâcher prise. Alors seulement, quelque chose de nouveau peut arriver. Comme dans 'Victoria'. Il a fallu que j’abandonne, que je me dise que j’allais échouer.

Qu’avez-vous dit aux acteurs en préparant le tournage ?

J’ai dit à tout le monde : « Sautons dans cette rivière glacée ! » Quand on saute dans l’eau glacée, le froid nous saisit. On est dans le moment, on oublie tout le reste, le petit déjeuner, le coup de fil qu’on doit passer, la réplique qu’on doit dire, tout. Il ne reste que l’intuition et les réflexes. C’est la beauté de 'Victoria' : nous n’étions pas des professionnels, nous étions sur le qui-vive, saisis par le moment.

Dans le film, on sent que les personnages existent dans un pur présent, ils évoluent vite sans qu'on soit choqué par ce changement. Chacun passe par une large palette d’émotions en quelques heures à peine.

Complètement ! Dans le film, quand on y pense, on passe par toutes les émotions. Les personnages tombent amoureux, ils éprouvent de la joie, de la douleur, de la peur… Ils sont drôles, ils sont jaloux, ils sont amis. Je n’y avais même pas pensé avant le film.

Victoria ressemble au début à n'importe quelle jeune étudiante espagnole, puis à la fin, on tombe complètement sous son charme. Le choix de Laia Costa pour jouer le rôle, c’était une évidence ?

Oui ! C’était évident dès que j’ai vu sa démo. Franchement, j’aimerais vous raconter une histoire sur comment je suis un génie, mais je suis juste un putain de veinard. Nous avions très peu d’argent, alors quand nous avons appelé quelques agences de casting en Espagne en leur précisant notre budget, la plupart nous ont fermé la porte. L’une d’entre elles a finalement accepté de nous aider, et l’agent m’a révélé plus tard qu’elle savait déjà qu’elle allait proposer le rôle à Laia et que ce serait un travail facile pour elle. En Espagne, on me voit comme celui qui a découvert Laia, parce qu’elle n’a jamais eu le rôle principal, ce que je ne savais pas ! Ca fait seulement trois ans qu’elle est actrice, vous vous rendez compte qu'elle a décroché un doctorat de sciences politiques avant sa reconversion ? Je ne savais pas non plus qu’elle avait 29 ans, je croyais qu’elle avait 23 ans, comme le personnage. On ne dirait pas du tout qu’elle est plus âgée ! Peut-être que si j’avais eu beaucoup d’argent pour faire le film, j’aurais appelé les meilleures agences de casting espagnoles en disant : « La comédienne ne peut pas avoir plus de 23 ans ! C’est le max. » J’aurais été le boss et les agences m’auraient écouté. Je n’aurais jamais rencontré Laia.

Laia Costa et Frederick Lau dans 'Victoria'



Pour les comédiens, mais aussi pour l’opérateur qui tient la caméra, le tournage a dû être particulièrement physique, non ?

Oui, surtout pour le caméraman, Sturla Brandth Grovlen, c’était très dur ! Il est très mince en plus, il ressemble à un marathonien. C’est la première fois de ma vie que je vois quelqu’un porter un bandeau pour arrêter la transpiration, un peu comme un tennisman des années 1980. Il était obligé de porter ça pour ne pas avoir la transpiration dans les yeux, du coup il avait l’air super cool.

Comment avez-vous géré l'équipe du son, qui devait toujours vous suivre sans se trouver dans le cadre ?

C’était dingue. Durant les répétitions, on voyait TOUJOURS le micro dans l’image. Alors je leur ai dit : « C’est impossible, tant pis, on utilise juste les micros-cravate. » Mais comme je vous l’ai dit, j’avais perdu le contrôle, donc ils ont refusé : « Fais-nous confiance, ne t’inquiète pas ! C’est juste les répétitions. » Et ils l’ont fait ! C’est très important pour le film, parce qu’il y a un véritable son de cinéma. Pour moi, le film n’est pas une expérience, c’est un film noir : c’est rapide, c’est sauvage, c’est simple, c’est cheap. Et puis il y a une femme forte, qui gère.

C’est facile de vendre un film noir allemand à l’international ?

Je vais vous dire une chose, et ce n’est pas un mensonge : ce n’est pas un film allemand. C’est un film berlinois. Même les gens en Allemagne pensent que c’est un film international. Berlin est une ville internationale. L’autre jour, quelqu’un m’a dit : « Oh, tu vas peut-être être nommé aux Oscars », puis quelqu’un d’autre a répondu : « C’est impossible, ça parle trop anglais dans le film ! Ce n’est plus un film étranger, c’est à moitié anglais, à moitié allemand. » Ca m’a soulagé, ça suffit la folie autour de 'Victoria'.

Où avez-vous tourné à Berlin ?

Dans un endroit que je ne connaissais pas très bien alors que je vis dans la ville depuis quinze ans. Vous connaissez Friedrichstrasse ? C’est une très grande artère commerçante de Berlin, un peu comme les Champs-Élysées. Nous avons tourné le film dans la toute fin de la rue, après Checkpoint Charlie, là où c’est cheap, pas très développé et un peu mort. C’était parfait. Le fait de devoir tourner dans des limites très étroites a beaucoup modifié ma façon de préparer le film. D’habitude, quand vous êtes réalisateur, vous dites : « Je veux un garage ! » Et on vous propose vingt garages. Là, c’était : « Est-ce qu’il y a un garage ? » « Non, juste un parking ! » « Pas de garage ? Ce serait vraiment mieux ! » Je savais que j’avais besoin d’un hôtel cinq étoiles, parce que c’est un film sur l’argent, aussi. A partir de ce moment-là, nous avons dû construire un faux club dans les environs pour pouvoir tourner dans la même zone. C’était marrant, des gens bourrés sont entrés et ont voulu commander des bières au bar. « Euh… on tourne un film, en fait ! »

Le film est constitué de deux types de scènes : celles qui ont lieu dans un décor donné, et celles qui permettent de passer d’un lieu à un autre. Ces moments de déplacement sont très importants, car ils donnent au spectateur l’impression d’arpenter la ville avec les personnages.

Oui, c’est vrai. Il y a des gens qui m’ont dit : « J’adore votre film, mais il m’a fallu un peu de temps pour entrer dedans. Je ne suis pas certain d’aimer le début. » Et je ne sais pas si vous avez déjà joué aux jeux vidéo, mais j’ai eu ma période. Je jouais à 'Grand Theft Auto' ou 'Red Dead Redemption', et il se trouve que dans ces jeux, parfois vous devez marcher ou conduire pendant très longtemps, sur de grandes distances. C’est du boulot ! Il faut retourner à tel endroit, ou bien voler un cheval, faucher une voiture, courir très vite, puis le type ne peut plus courir alors il faut trouver à manger pour qu’il puisse courir de nouveau... Les créateurs du jeu auraient pu couper ces moments, sauter de climax en climax. Pourtant, ils en ont décidé autrement. Ils ont fait en sorte que vous fassiez l’expérience du monde dans lequel vous jouez, que vous l’acceptiez. C’est très important pour votre système nerveux de croire au monde dans lequel vous jouez.

C’est vrai que dans 'Victoria' aussi, il faut passer par ces moments où l’on fait l’expérience physique du territoire. Vous diriez que les jeux vidéo font donc partie de vos influences ?

Oui, le jeu vidéo est certainement une influence inconsciente. 'Victoria' est un thriller dont les ingrédients ont déjà été utilisés, mais peut-être que la façon dont nous les avons cuisinés est nouvelle. Alors c’est possible de les goûter à nouveau. Vous pouvez avoir la meilleure nourriture du monde dans votre assiette, si c’est la seule nourriture qu’on vous donne tous les jours, vous finirez par vous ennuyer. Vous aurez besoin au bout d’un moment d’expérimenter un goût différent, qui réveillera vos papilles. Ce n’est même pas une question de qualité intrinsèque, c’est une question de changer d’air. Parfois, c’est bien de louper votre ferry, parfois c’est bien de manger autre chose qu’un bon burger.

La grande qualité de 'Victoria', c'est que le film grandit avec soi une fois qu’on l’a vu.

Oui, je suis d’accord. C’est ce qui fait la différence entre les films. Il y a les films qu’on regarde et ceux dont on se souvient. Trop de films se concentrent uniquement sur la première option. Vous les regardez, et dès que vous sortez de la salle, c’est terminé ! Vous les avez oubliés, ce n’est plus important pour vous. C’est comme un burger. J’adore les burgers et les grands films hollywoodiens, mais je ne peux pas manger uniquement ça, sinon je finis par les détester.

>>> Lire notre critique de 'Victoria', sortie le 1er juillet 2015.


Victoria FA VOST 1080p from LE PUBLIC SYSTÈME CINÉMA on Vimeo.

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