Recevez Time Out dans votre boite mail

Recherche

Portraits de No-Go Zones, une belle réponse à Fox News

Écrit par
Emmanuel Chirache
Publicité

A Time Out Paris, nous travaillons et nous habitons presque tous dans ou à côté d'une « No-Go Zone », ces zones de soi-disant non droit dénoncées par Fox News en début d'année 2015. Julien Bottriaux y vit également. Travaillant dans l'économie sociale et solidaire en Ile-de-France, auteur du tumblr Premiers métros, ce photographe amateur avait trois bonnes raisons de créer le site Portraits de No-Go Zones : il fréquente tous les jours ces quartiers où la charia serait soi-disant appliquée, il connaît bien le tissu socio-économique de Paris et il s'intéresse à ses habitants. Au rythme d'un portrait par jour, Julien Bottriaux part aujourd'hui à la découverte d'un Paris populaire, mais en plein bouleversement, il redonne de la réalité aux fantasmes, interroge les gens, passe du temps avec eux et photographie leur cadre de vie. « L'idée, c'est de casser les idées reçues de Fox News », nous confie-t-il. Mais pas seulement. Entretien avec un maniaque du clic photographique.

Time Out Paris : D'où vient cette idée des « Portraits de No-Go Zones » ?

Julien Bottriaux : Je voulais valoriser ces quartiers stigmatisés par Fox News. Je travaille du côté du boulevard Magenta et j'habite dans le 20e, donc ce sujet me touche au premier plan. Toutefois, les No-Go Zones sont surtout un prétexte pour évoquer l'après-Charlie. Après les attentats, quel projet peut faire sens ? Comment retrouver de la solidarité, comment vivre ensemble ? En même temps, la carte utilisée par Fox News représente quand même des zones sensibles, qui méritent qu'on pose la question du lien social.

C'était aussi une façon d'évoluer après ton tumblr Premiers métros ?

Oui, le métro m'intéressait beaucoup, mais c'est un lieu neutre, qui permet surtout de rendre compte du quotidien des gens. Or, je travaille dans l'économie sociale et solidaire, donc sur la notion de territoire, sur le rapport des gens avec leur quartier. Dans le métro, ça n'existe pas ! Alors que ce nouveau projet me permet d'étudier le rôle du voisinage, des commerçants, etc. A Belleville, par exemple, il y a une histoire longue et riche, qui interroge : le concept de « village parisien » existe-t-il encore ? A l'intérieur de cet énorme brassage de populations, peut-on parler de localité ?

Est-ce que tu as été surpris par tes premières rencontres ?

D'une certaine manière, il y a un décalage avec ce qu'on peut lire dans les médias sur ces quartiers. La cassure sociale n'est pas si forte qu'on le dit. J'entrevois une envie forte de rechercher l'autre et d'être en interaction avec lui, de vivre ensemble. Déjà dans Premiers métros, j'avais perçu la chose. Des gens me disaient : « Je vois des gens à la même heure tous les jours. Quand ils ne sont pas là, je m'inquiète pour eux ! » Même dans les grandes tours de l'avenue de Flandres près du métro Riquet, on me parle d'entraide, d'échanges, de conversations.

C'est un peu comme à place des Fêtes : les tours symbolisent l'urbanisme néfaste des années 1970, et pourtant les habitants sont fortement attachés à leur environnement dans ce quartier.

Exactement ! Le marché du dimanche matin sur la place des Fêtes est incroyable, d'ailleurs. Malgré l'urbanisme des années 1970, il existe une vraie vie de quartier.

Est-ce que tu constates quand même une forme de nostalgie chez les personnes les plus âgées ?

Oui, complètement. Surtout à Belleville, on ressent le regret d'un âge d'or fantasmé. Presque tous les gens présents dans le quartier depuis 30 ou 40 ans, souvent issus de l'immigration, regrettent l'ancien Belleville. Ils focalisent beaucoup sur les prostituées qui ont investi le boulevard, par exemple. On me dit souvent que « c'était mieux avant ». Il y a aussi un sentiment d'insécurité ; j'insiste sur le mot sentiment, parce que personne ne s'est jamais fait agresser en réalité, en tout cas pas les gens que j'ai interrogés.

Comment choisis-tu les gens que tu photographies ? Comment réagissent-ils en général ?

Je le fais au hasard des rencontres. Les profils varient beaucoup en fonction des quartiers. Dans le 10e, ce sont surtout des gens qui travaillent, donc c'est différent et ça se voit dans les lieux : beaucoup de brasseries et de restos. A Belleville, je trouve davantage d'habitants du quartier, de vraies gueules de Parisiens. Je vais aussi m'imposer des contraintes, rendre visite à des commerçants et à des acteurs associatifs, des profils ancrés dans le territoire. Globalement, les gens réagissent très bien, c'est même étonnant le nombre de personnes qui acceptent d'être pris en photo, au terme d'une conversation de 10 minutes. Il faut installer de la confiance et tout se passe bien. Mais je laisse beaucoup les rencontres arriver... J'ai hâte de me laisser surprendre.

Allez visiter le tumblr Portraits de No-Go Zones.

À la une

    Publicité