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Rachel Zeffira

Interview • Rachel Zeffira

De l'opéra à la pop music

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Son single "Break The Spell" a tout pour devenir un tube. Si la boîte à rythmes en fait un titre particulièrement accrocheur et dansant, ce sont surtout les violons et la voix de la Canadienne qui frappent les esprits. Car Rachel Zeffira est une chanteuse authentique, élevée à l'école de l'opéra dans un premier temps, puis à celle de la pop sous le patronage de Faris Badwan des Horrors, son acolyte dans le duo Cat's Eyes. Nous l'avons rencontrée pour discuter de son premier album en solo, qui sort le 10 décembre.

Rachel Zeffira : J'ai grandi à Trail, une petite ville sur la côte ouest du Canada, à trois heures de Vancouver. C'est un endroit reculé, où il ne se passe rien. A part le hockey sur glace et quelques ratons laveurs qui se promènent.

Time Out Paris : Quels contacts aviez-vous alors avec la musique ?

RZ : Aucun ou presque. Aucun groupe ne passe par là-bas. Une fois, je crois que Tom Jones a donné un concert pas très loin, c'était une sorte de miracle. Mes parents sont d'origine irlandaise et italienne, ils ont immigré au Canada. Ils viennent d'un milieu populaire, mais ils tenaient à ce que j'aie une bonne éducation et de la culture, donc ils m'ont obligée à prendre des leçons de piano. En privé, j'ai toujours chanté aussi, alors que ça m'embarrassait de le faire en public. C'est seulement à 15 ans que j'ai commencé à chanter du classique, à faire des compétitions et tout le tremblement.

Jusqu'où avez-vous continué dans cette voie ?

C'est allé jusqu'au point où il fallait prendre une décision importante. Au bout d'un moment, je me suis demandé si ça me plaisait vraiment. Je n'écoutais plus tant que ça d'opéra, c'était devenu lassant à force. Je me suis dit que la vie était trop courte pour passer autant de temps à répéter, à suivre des règles aussi strictes et contraignantes. Avant chaque concert, il fallait que je fasse attention à la climatisation, que je protège ma voix, tout ça dévorait ma vie. J'étais devenue quelqu'un de névrosé et d'égocentrique, qui ennuyait les autres en leur demandant d'éteindre le chauffage, ou qui leur écrivait sur une feuille de papier au lieu de parler uniquement parce qu'il y avait un opéra le lendemain. Vers la même époque, j'ai eu une critique très sévère, vraiment dure à avaler, et je me suis demandé si finalement je n'étais pas une très mauvaise chanteuse. Peut-être que je m'étais fait un film et qu'en réalité j'étais juste une imposture ? Je suis la pire chanteuse de tous les temps, et personne n'ose me le dire ! (Rires) Ça a provoqué chez moi une grosse remise en question. Peu après ça, j'ai rencontré Faris Badwan des Horrors, et c'est grâce à lui que j'ai chanté autre chose, quand on a créé notre groupe Cat's Eyes.

Quelles sont les différences entre le monde de la pop et celui de l'opéra ?

Hé bien, je ne suis plus obligé de m'entraîner ! Ou alors juste avant un concert. Je chante de façon plus naturelle, moins technique. Dans la pop music, on se pose moins de questions, on ne fait pas de gammes et ça me va très bien parce que je suis très paresseuse. Les gens s'en fichent si vous ne chantez pas parfaitement, ce n'est pas grave, ils viennent d'abord pour écouter les chansons. Le public de la pop ne se demande pas si votre diaphragme ou si votre gorge se sont bien comportés pendant le concert. C'est un soulagement pour un chanteur.

Quand vous enregistrez, ce n'est pas trop dur de vous débarrasser de tous les réflexes acquis avec votre formation classique ?

En opéra, il n'y a pas de micros, donc on chante très fort, pour que la voix porte. Au début, ce n'était pas évident pour moi pendant l'enregistrement parce que c'était très intime, j'étais seule face au micro. C'est une grosse différence, dans la mesure où quand j'enregistrais de l'opéra auparavant, le micro était situé plusieurs mètres plus loin.

Katie Stelmanis d'Austra a aussi fait du chant lyrique avant de faire de la pop et de l'électro. Et elle est canadienne également.

Oui, c'est intrigant ! Elle a participé au Canadian Children's Opera Chorus de Toronto quand elle était jeune. Elle est formidable, j'adore sa voix, qui est très originale. Il est possible que de plus en plus de gens venus du classique se lancent ensuite dans d'autres genres, notamment dans la pop. Si vous avez une formation classique, il n'y a pas beaucoup de boulot dans le domaine. Les gens n'achèteront pas vraiment vos CD.

Vous aviez votre duo avec Faris Badwan jusqu'à maintenant, pourquoi sortir un disque solo, et comment avez-vous travaillé ?

Quand j'ai commencé à écrire cet album, c'était d'abord pour m'amuser. Et puis, j'ai continué. Surtout, j'avais envie de tout faire moi-même, produire, composer les arrangements, jouer des instruments, juste pour voir comment ça sonnait. La grosse différence avec Cat's Eyes, c'est que je voulais que ce soit plus pur, plus acoustique. Je ne voulais pas copier le son du groupe, je voulais que ce soit plus personnel. C'est pour ça que je fais vraiment tout dessus. Le plus dur, ç'a été d'écrire les paroles. Parfois, je me relisais et je me disais que j'avais vraiment écrit un truc stupide. Ça peut vraiment être gênant, les paroles. Ma façon de travailler diffère à chaque chanson, parfois ça commence avec le piano, d'autre fois c'est comme si j'avais écrit un poème et que je le mettais en musique. Les parties orchestrales de l'album ont été enregistrées à Abbey Road, parce que ce sont des experts pour ce genre de choses. Le reste (les voix, le piano, la batterie) a été enregistré dans un autre studio à Londres qui s'appelle The Pool, et j'ai tout mixé ensuite. J'adore composer des arrangements pour orchestre et diriger les musiciens.


Ce n'est pas très commun dans la pop, d'écrire soi-même ses arrangements.

C'est vrai, pourtant ce n'est pas si difficile, le plus dur c'est d'écrire la chanson ! Personnellement, je trouve ça passionnant à faire. Sur mon disque, le morceau "To Here Knows When" est une reprise de My Bloody Valentine, parce que je voulais absolument réarranger cette chanson. En fait, c'est presque devenu un hobby pour moi, prendre une chanson que j'aime et inventer de nouveaux arrangements. Quand j'ai entendu ce titre de My Bloody Valentine, je me suis dit « cette guitare va devenir un violon, je mettrai des glissando au lieu des tremolo, puis j'ajouterai de la trompette... » C'est comme faire un puzzle.

Vous jouez de combien d'instruments ?

Je ne sais pas, beaucoup. Du piano, du violon, du hautbois, de l'orgue, de la clarinette, du vibraphone, du cor, du violoncelle... et j'en oublie. Je suis une vraie geek de la musique.

C'est pratique, en temps de crise économique, de savoir jouer d'autant d'instruments.

(Rires) Oui, c'est clair ! Mais bon, la musique, c'est la seule chose que je sache faire.

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