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Que faire à Paris cet automne ? (2012)

Aux tonnes de bons plans

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Certains vous le diront : l'automne est la meilleure saison à Paris. Ne disait-on pas, dans les chaumières d'autrefois, que « Bel automne vient plus souvent / que beau printemps » ? Dans la capitale, on coule donc des jours encore cléments en profitant d'un agenda bien chargé, car en automne, les grands événements se ramassent à la pelle : Festival des InRocks ou Festival Pitchfork, expositions à la Cinémathèque ou cycles cinéphiles au Centre Pompidou, Festival d'Automne 2012, FIAC, semaine du goût et Beaujolais nouveau, Paris Photo ou Fashion Week, sans oublier les innombrables films, pièces de théâtre et concerts à ne pas manquer. Dans la jungle culturelle, Time Out Paris sort sa machette et désépaissit les sous-bois, boussole à la main, pour vous tracer un chemin net et lumineux vers les sorties immanquables de cette fin d'année.

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Les 50 spectacles à voir en 2013/2014
  • Théâtre
  • Cirque
Armez-vous de votre agenda : les hostilités reprennent ! De ces milliers de spectacles joués de septembre à juin, nous en avons choisi cinquante. Cinquante spectacles sélectionnés avec enthousiasme, confiance et parfois avec un esprit d'aventure. Des metteurs en scène choisis pour ce qu'ils disent de la scène théâtrale actuelle et pour ce qu'ils défendent. Des chorégraphes qui nous émeuvent et nous éveillent. Des acteurs qui nous enchantent. De la danse avec Blanca Li, du cabaret burlesque avec Mimi Le Meaux, du théâtre en compagnie de Joël Pommerat, Pippo Delbono ou encore Angélica Liddell, des grands noms et des petits théâtres. Des créations et des re-créations. Cinquante suggestions pour une vision hétéroclite du spectacle vivant en 2013/2014. Bonne saison ! SEPTEMBRE Mensonges d'Etats De Xavier Daugreilh, mise en scène Nicolas Briançon, avec Samuel Le Bihan, Marie-Josée Croze… Derniers jours, une veillée De Christoph Marthaler avec Tora Augestad, Carina Braunschmidt... Perturbation De Thomas Bernhard, mise en scène de Krystian Lupa. Littlematchseller D'après Williamson et Andersen, mise en scène et scénographie de Nicolas Liautard. Le Triomphe de l'amour De Marivaux, mise en scène et scénographie de Galin Stoev. OCTOBRE Ring De Léonore Confino, mise en scène de Catherine Schaub, avec Audrey Dana, Sami Bouajila. La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce De Joël Pommerat, avec Patrick Bébi, Hervé Blanc... Cabaret New Burlesque Conception Kitty Hartl, avec Dirty Martini

Cinéma • Les films

Les films de l'automne
La rentrée au cinéma Entre la Palme d'or de Michael Haneke, un Hong Sang-soo aux accents rohmériens avec Isabelle Huppert, le nouveau Michel Gondry et un énième 'James Bond', la rentrée cinéma 2012 s'annonce à grands pas... Retrouvez ici nos critiques des longs métrages à venir. Wrong Quentin Dupieux signe avec ‘Wrong’ un film cocasse et singulier, qui fait figure d’ovni dans le paysage du cinéma français. Tourné aux Etats-Unis avec un casting américain (à l’exception d’Eric Judor), le troisième long métrage du versatile Versaillais surfe entre réalisme et abstraction. Le scénario, a priori moins décalé que pour ses précédents films, ‘Steak’ (2007) et ‘Rubber’ (2010), sert de trame à une série d’évènements insolites et anormaux – d’où le titre. L’ambiance, soutenue par une bande-son estampillée Tahiti Boy et Mr Oizo (le double musical du réalisateur), est imprégnée de l’angoisse symptomatique de tous les films de Dupieux. Son personnage principal, Dolph (Jack Plotnick), se réveille un matin sur les coups de 7h60, pour s’apercevoir que son chien – au patronyme beaucoup plus humain, Paul – a disparu. S’ensuivent des scènes burlesques, à la limite du surréalisme, dans lesquelles on sent pointer l’influence de Michel Gondry, avec lequel l’artiste fit jadis ses armes sur des vidéo-clips. Dialogue improbable au téléphone entre Dolph et une vendeuse de pizzas sur le pourquoi du comment du logo de la pizzeria, averse incessante au bureau auquel il continue de se rendre bien qu’il en ait été licencié, palmier qui se change en sapin... L’absurde surgit par touches et toujours au premier degré. Les seconds rôles, très réussis, sont tout aussi ubuesques. Tel le mystérieux philanthrope Maître Chang (un William Fichtner orientalisé), qui kidnappe des animaux domestiques afin d’assister plus tard aux émouvantes retrouvailles avec leurs maîtres, s’inspirant sans doute du proverbe : « On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va. » On retrouve également avec plaisir Eric Judor donc, en jardinier français qui va vivre un cauchemar lynchesque avec Emma, une vendeuse de pizzas nymphomane (Alexis Dziena, charmante psychotique). Mais aussi Steve Little, l’hilarant acolyte de Kenny Powers dans la série ‘Eastbound and Down’, dans un emploi très différent de détective aux procédés de recherche assez spéciaux, et Mark Burnham en flic patibulaire dont le personnage est développé dans le Chapitre 1 de ‘Wrong Cops’ (spin-off déjanté, mettant en scène un Marilyn Manson démaquillé en ado qui se fait reprendre sur ses goûts musicaux). Au final, un film frais – malgré la pesanteur assumée des nombreux plans fixes –, qui s’inscrit dans la lignée d’un cinéma moderne, inventif et un peu barré, porté par des réalisateurs comme Michel Gondry et Spike Jonze. Killer Joe Après nous avoir traumatisés en 1973 avec ‘L’Exorciste’, William Friedkin s’était depuis considérablement ramolli. ‘Killer Joe’, plongée aussi brutale que désopilante dans l’univers white trash américain, prouve que le réalisateur, quasi-octogénaire, sait encore choquer. Pour la deuxième fois, Friedkin adapte avec brio une pièce du dramaturge Tracy Letts, leur collaboration précédente, l’excellent ‘Bug’ (2006), ayant d'ailleurs ouvert à Michael Shannon une carrière prolifique de psychopathe à l’écran. Tout aussi dérangeant, ‘Killer Joe’ adopte ici le schéma classique du film noir : Chris, petit dealer terreux incarné par Emile Hirsch, doit beaucoup d’argent à la mafia locale, sous peine de finir six pieds sous terre. Naturellement, le jeune homme convainc alors son père de tuer sa mère, celle-ci détenant une assurance-vie de 50.000 dollars. En cas de décès, c’est l’innocente et influençable cadette, Dottie, qui empochera l’argent. Seulement, comme Chris et sa famille de rednecks sont visiblement trop stupides pour se charger du meurtre eux-mêmes, ils décident de faire appel à un spécialiste : Joe, chaussures de cowboy et regard meurtrier, un flic qui se fait un peu d’argent de poche en tant que tueur à gages. Mais pour s’assurer d’être payé une fois le crime commis, Joe, en bon professionnel, décide de garder la jeune et jolie Dottie comme acompte. Auparavant abonné aux navets et aux comédies romantiques, Matthew McConaughey livre ici la meilleure performance de sa carrière en psychopathe courtois mais redoutable. Tantôt charmeur, tantôt bestial, il vole la vedette à un casting pourtant excellent, entre la douce et lunaire Juno Temple et le couple de bouseux - qualifier ces deux-là de “vulgaires” ne serait qu’un doux euphémisme - formé par Thomas Hayden Church et Gina Gershon. Terrifiant, ultra-violent, hilarant, ‘Killer Joe’ est une oeuvre destinée à devenir culte, faite de dialogues ciselés et de scènes hautement mémorables. Plus couillu qu’un taureau texan, c’est le genre de film capable d’accompagner une scène d’extrême violence par le tube coquin “Strokin” de Clarence Carter, ou encore de vous traumatiser jusqu’à la fin de vos jours avec une simple aile de poulet KFC. À voir absolument (l’estomac vide). Cherchez Hortense Inconfortable de parler du dernier Bonitzer. D'abord, il faut aimer l'animal, ses intrigues intello-sentimentales, et ne pas rechigner devant une bonne dose de psychanalyse. Damien (Jean-Pierre Bacri, juste et touchant), spécialiste de la civilisation chinoise et consultant auprès de gros chefs d'entreprise, est embarrassé : pour satisfaire une requête de sa femme (Kristin Scott Thomas), il doit demander à son père, membre du Conseil d'Etat (Claude Rich, délicieusement perché), d'intervenir sur le dossier d'une jeune sans-papiers (Isabelle Carré). Evidemment, ce père, Damien n'a jamais réussi à lui dire un mot.Ainsi, le titre du film a beau sonner comme une référence à Rimbaud et à son poème 'H' ("Ô terrible frisson des amours novices sur le sol sanglant et par l'hydrogène clarteux! Trouvez Hortense"), ce sont manifestement des eaux freudiennes qui baignent ce film - n'ayant, il faut dire, pas grand chose d'un bateau ivre… D'ailleurs, on pourrait même dire qu'il navigue à peine, ce film. Qu'il flottille. Assez vite, on se fiche d'ailleurs pis que pendre des ressorts scénaristiques, les séquences s'enchaînant selon un schéma largement attendu, pendant que la mise en scène, d'un classicisme achevé, évoque irrésistiblement un jardin à la française. Bref, voilà un long métrage cultivé, distingué, où les dialogues se révèlent savoureux et les personnages sympathiques, y compris les seconds rôles - parmi lesquels Jacky Berroyer en dépressif borderline… Et pourtant, ça n'avance pas. Chacun erre dans l'indécision, dans la procrastination molle ou angoissée, ou cherche tout bonnement à fuir - ainsi, très tôt, le personnage de Kristin Scott Thomas se trouve un amant et sort de l'intrigue principale.Ce n'est donc pas vraiment au premier degré que se situe l'intérêt de ce 'Cherchez Hortense' trop apparemment bien sous tous rapports. Ce serait plutôt au niveau de son arrière-plan sociologique : où des intellectuels nantis (consultant, metteur en scène ou hauts fonctionnaires qui feraient passer les thésards de Desplechin pour des cailleras), se noient, parfois avec une sorte d'héroïsme, dans le verre d'eau de leurs dilemmes intimes. En d'autres termes, qu'on le sache, les tenants des "hautes sphères" sont totalement à la ramasse, les portes du pouvoir institutionnel ont été verrouillées; de toute façon, rien ne s'y passe - et pour un peu, on songerait presque au cynisme de 'L'Exercice de l'Etat' de Pierre Schoeller… Finissant par se demander si, derrière son apparente et ronflante bienveillance, le film ne porte pas en lui le regard d'un moraliste discret, mais tout de même cruel envers ses personnages - de la même manière que son ancienne comparse, Chantal Akerman, filmait récemment avec une perversité presque sadique le personnage de Stanislas Merhar dans 'La Folie Almayer'. Ainsi, ce serait un peu comme si les êtres de fiction cherchaient à se soustraire à la narration, à sa pesante logique, mais qu'on ne leur laissait pas la moindre chance. Et qu'une comédie de moeurs assez banale, honnêtement parisienne, se retrouvait subitement hantée par d'incertains échos du fantôme de Beckett. Mais bon, d'assez loin quand même. The We and the I Devant 'The We and the I', on se dit que Gondry est vraiment un petit malin : l'air de rien, son nouveau film, huis clos dans un bus scolaire, parvient à mêler audace formelle, veine autobiographique, fiction et documentaire avec humour et légèreté. 'The We and the I' suit ainsi un groupe de lycéens du Bronx, rentrant chez eux après leur dernier jour de cours, entre euphorie des vacances et mélancolie de la séparation. Et ce qui, d'entrée de jeu, paraît assez formidable, c'est que Gondry filme la jeunesse d'aujourd'hui avec beaucoup de sympathie et de justesse : je-m'en-foutisme, séchage de cours, souvenirs de coucheries alcoolisées entre camarades côtoient doutes intimes, situations familiales complexes ou déclarations d'amour maladroites par SMS. C'est bordélique, drôle, cruel, immature ; et parfois profondément affectueux, avec un touchant mélange de timidité et de sincérité brutale. Alors, au fur et à mesure du parcours et de ces portraits se dégage une véritable sensation de proximité avec ces ados. En revanche, comme souvent chez Gondry, on a l'impression que le film reste toujours plus ou moins délibérément en deçà de ses promesses. Et que le réalisateur n'envisage jamais de faire un « grand » film (ce qui serait quand même intéressant, vu qu’il en a manifestement les moyens), mais seulement de proposer un film cool. C'est à la fois sa limite et son charme. En tout cas, vu sous cet angle, il a certainement réussi. Robot & Frank Etats-Unis, futur proche. Frank est un vieil homme qui vit seul. Une fille au Turkménistan, un fils à plus de 10 heures de route... Le paternel commence à frôler la sénilité, si bien que son fils, inquiet pour lui, lui offre le nec plus ultra en matière d’auxiliaire de vie : le VGC-60L, un robot à l’intelligence artificielle hors pair, programmé pour assurer toutes ses tâches quotidiennes et induire un semblant de cadre et de régularité au rythme de vie du vieux bougon. D’abord très circonspect quant à l’utilité d’un tel assistant, le réfractaire, ancien as du cambriolage, se surprend à apprécier peu à peu la compagnie de l’androïde. Jusqu’à ce qu’un événement a priori anodin lui fasse prendre conscience qu’on a oublié d’inculquer à son ami de fer le respect de la loi. De nouvelles perspectives s’ouvrent alors à lui... Comédie dramatique, film de cambriolage, film d’anticipation, ‘Robot & Frank’ combine beaucoup de genres à lui seul. En résulte une œuvre à la tonalité inédite, sonnant très Sundance, certes — il y a reçu le prix Alfred Sloan qui récompense les films en rapport avec la science et la technologie —, mais dont l’apparente simplicité sert un propos profond et complexe. Les thèmes de la solitude des personnes âgées, de la perte graduelle des facultés intellectuelles, du « vivant » non-organique et de l’obsolescence des supports matériels face au tout-numérique y sont abordés pêle-mêle avec drôlerie et finesse. Pour leur premier long métrage, le réalisateur Jake Schreier et le scénariste Christopher Ford ont eu la chance de compter parmi leur casting Frank Langella dans le rôle principal, Peter Sarsgaard pour prêter sa voix au robot, ainsi que Susan Sarandon en bibliothécaire désuète. Si le film est réussi, il le doit en grande partie à la performance de Frank Langella, acteur splendide de théâtre et de cinéma (il avait brillé entre autres dans son rôle de Nixon dans ‘Frost/Nixon’ de Ron Howard), dont le style rappelle notre Michel Piccoli national. Le duo qu’il forme avec son acolyte humanoïde donne lieu à des scènes tantôt joyeuses et comiques, tantôt poignantes et d’une tendresse infinie. L’autre élément qui fait à la fois la force et la beauté du film, c’est ce futur que nous pourrions bien connaître. Loin de la science-fiction abracadabrante, l’univers dans lequel interagissent Frank et son robot est on ne peut plus réaliste. Il emprunte moins à l’imagination qu’à une certaine logique évolutive, nous offrant une vision plausible de l’avenir et des questionnements éthiques qui nous attendent ou que nous nous posons déjà. Sondant ainsi le bien-fondé des innovations technologiques, le film pose un regard critique sur des comportements progressistes à la limite de l’extrême (la destruction des livres d’une bibliothèque au profit de la numérisation globale), ou leur strict inverse, représenté par le personnage de la fille de Frank jouée par Liv Tyler, gentille caricature de la militante écologiste et anti-robot. Le résultat, c’est un petit bijou de film indépendant, original et touchant. Reality Ici, le réalisateur italien Matteo Garrone délaisse les ambiances mafieuses de son précédent opus, le remarqué ‘Gomorra’ (Grand prix du jury cannois en 2008), pour nous plonger dans la comédie familiale de Luciano, exubérant poissonnier napolitain, vaguement dealer de robots ménagers qui rêve de participer à une émission de télé-réalité, après avoir passé un casting pour faire plaisir à ses enfants. S’imaginant déjà riche et célèbre, il vend son commerce, délaisse aux passants le mobilier de son appartement, se découvre philanthrope en invitant un SDF à prendre un petit-déjeuner ; et surtout, prie que la télé le prenne. La critique n’est pas méchante, ni le film vraiment à charge. Ici, Garrone suit plutôt l’imaginaire de son personnage, ses folies douces, qui jamais ne basculent dans le délire. Ça peut paraître décevant, mais ce n’est pas plus mal : grâce à son scénario léger, ‘Reality’ peut s’étendre avec humour, laisser place à ses acteurs extravagants et permettre à Garrone quelques beaux travellings ou plans-séquences. Sympathique, élégant, populaire, ‘Reality’ n’est pas très super-charpenté, mais il passe vraiment tout seul. In Another Country Bon, on commence à être au courant : Hong Sangsoo est de ces réalisateurs qui font toujours plus ou moins le même film. Ce qui, le concernant, paraît plutôt positif – pour peu qu’on apprécie le marivaudage et les scènes de picole. Bref, voici son cru 2012, dont l’originalité est d’être centré sur Isabelle Huppert, héroïne des trois variations autour d’un même thème qui constituent ce film. Ainsi, à partir de quelques éléments (un parapluie, un cinéaste dragueur et sa femme enceinte et jalouse, un prof de natation, un phare…), le réalisateur coréen construit un triptyque de récits où les histoires se répondent, les scènes se retrouvent en décalage, les répliques communiquent… Rappelant à la fois Rohmer par sa tonalité légère et séductrice, et Resnais période ‘Marienbad’ (en plus soft) pour sa narration faite d’échos et de résonnances internes, ‘In Another Country’ a un charme doux, ludique et rêveur. Surtout, l’incomparable Isabelle Huppert y est délicieusement espiègle, sorte d’Alice au pays du soju (alcool coréen dont les personnages du film s’abreuvent en permanence), jouant avec malice des mille et une possibilités que le film lui ouvre. C’est léger, charmant, spacieux (même si certains diront un peu creux). Equilibre du plein et du vide. Alors, si ce n’est sans doute ni le meilleur film de Hong Sangsoo, ni le meilleur avec Huppert, leur rencontre étonnante reste tout de même fort agréable. Un film charmant, amical et humble. Et certainement bien plus profond qu’il n’y paraît. Amour ‘Amour’ est un film poignant, dévastateur de justesse : huis clos sur un couple d’octogénaires, Georges et Anne (superbement interprétés par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), face à la mort et au déclin physique. Mais enfin, c’est surtout un film sur l’amour (bien vu), dans ce qu’il a de moins niais et de plus viscéral ; la question étant, au fond : l’amour peut-il tenir à hauteur de la mort ? Haneke répond par l’affirmative. Et disons-le tout de suite, c’est à pleurer, d’autant plus qu’il n’y a pas une once de pathos. La profonde simplicité de son motif, alliée à la réalisation au couteau du maître autrichien – à coups de plans fixes précis, extrêmement picturaux, et d’une utilisation virtuose du hors-champ – fait de ce film un choc autant esthétique qu’émotionnel. Hors du couple, à peine quelques intervenants : leur fille (Isabelle Huppert, parfaite comme à son habitude), un ancien élève (le pianiste Alexandre Tharaud dans son propre rôle), ou le couple de gardien de l’immeuble parisien où logent Anne et Georges. Avec, au centre, leur corps-à-corps avec la mort. On n’en dira pas davantage afin d’éviter de gâcher quoi que ce soit du film, mais il faut préciser que ce qui fait de cet ’Amour’ une œuvre incomparable, c’est qu’une nouvelle fois après ‘Le Ruban blanc’ en 2009, Haneke laisse derrière lui la violence de ‘Funny Games’ ou de ‘La Pianiste’ pour s’attacher à une élégie de la douleur sobre, sincère. ‘Amour’ a beau ne fermer les yeux sur rien, il n’est jamais pervers, malsain ou complaisant. Au contraire, tout se joue dans des détails bouleversants, et la temporalité du film, pudique, est maîtrisée à la perfection. Pas le moindre mouvement superflu, ni le plus petit dialogue de travers. Un film quintessentiel, d’une beauté et d’une dignité à couper le souffle. Inoubliable. Skyfall Comment ça, encore un ‘James Bond’ ? Eh ouais, le 23e (ça laisse rêveur). Cette fois avec Javier Bardem (rrrhhh…) en blond aux cheveux longs (sic) dans la peau du gros méchant de service. Et en face, pour la troisième fois consécutive en 007, un Daniel Craig qu'on apprécie encore plus depuis le 'Millenium' de David Fincher – ce malgré la déception relative du précédent Bond ('Quantum of Solace' en 2008). Réalisé par Sam Mendes ('American Beauty'), ce nouvel opus interrogera le passé de M, la supérieure hiérarchique du plus grand agent secret érotomane, et marquera le retour de Q, l'armurier aux multiples gadgets du MI6, sous les traits d'un jeune homme (Ben Whishaw). Bref, complots, terrorisme, femmes fatales, armes à feu, costumes cintrés et sexe sous la douche : la bande-annonce semble assez prometteuse, cinquante ans après ce 'Dr No' qui vit émerger le personnage. A découvrir en salles le 26 août. La Chasse Depuis ‘Festen’ en 1998, Thomas Vinterberg est connu pour être un joyeux drille aux sujets allègres et rassembleurs. Avec ‘La Chasse’, nous retrouvons ses thèmes de prédilection : pédophilie et névrose collective. Autrement dit, une certaine idée de la comédie familiale. Lucas (Mads Mikkelsen), type d’une quarantaine d’années a priori gentil comme tout, travaille comme assistant d’éducation dans une école primaire. Un jour, une gamine, vaguement amoureuse de lui, l’accuse de pédophilie sans trop comprendre de quoi elle parle. Evidemment, c’est l’engrenage immédiat. Flics, menaces, cassage de gueule, calomnie : le pauvre Lucas, victime de la rumeur, verra peu à peu sa vie réduite à néant. Dur. Le propos, original et audacieux, est remarquablement servi par son interprète principal, et le film alterne entre l’inquiétant et le familier avec un talent assez pervers. Seulement, la cabale contre cet innocent prend tout de même bien souvent des allures de démonstration clinique, et la logique implacable de son développement paraît par moments sérieusement tirée par les cheveux (ainsi l’interrogatoire de la gamine par un pseudo-psychologue scolaire). Au final, tout concourt à démolir ce pauvre Lucas, et cette chasse à l’homme finit tout simplement par ressembler à un jeu de massacre. Bien sûr, on sait que Vinterberg n’est pas du genre à prendre des pincettes ou à se satisfaire de demi-mesures, mais là, franchement, ça fait trop. Ainsi, même si le film, alternativement fascinant et révoltant, continuera certainement de hanter le spectateur pendant quelques jours, on ne peut s’empêcher de s’en souvenir comme d’un mélange de brutalité et de maladresse. Intéressant, mais inutilement hardcore. Et du coup, pas vraiment réussi. Au-delà des collines Après sa Palme d’or en 2007 pour ‘4 mois, 3 semaines, 2 jours’, Cristian Mungiu revient à Cannes avec ce film puissant et austère : plus de 2h30 passées dans un monastère paumé en Roumanie, ou Voichita (Cosmina Stratan), une jeune nonne superbement bressonienne, se voit rejointe par Alina (Cristina Flutur), ancienne camarade d’orphelinat avec laquelle elle entretenait une relation amoureuse, bien décidée à rendre Voichita à la vie profane. Mais peu à peu, Alina semble montrer des signes de possession : schizophrénie, manipulation ou envoûtement diabolique, la communauté de bonnes sœurs, réunie autour d’un pope sévère, va décider de traiter le mal par le mal. Pourtant, en dépit de son synopsis, ‘Au-delà des collines’ n’a pas grand-chose d’un film d’épouvante lesbien. Ce serait plutôt un film sur l’enfermement, la claustration volontaire, l’amour humain prisonnier du religieux. Et le ton y est juste : Mungiu montre sans prendre parti, se concentrant sur l’atmosphère du couvent. D’une certaine manière, c’est même un film qui sonde la foi et son mystère, sans en donner d’interprétation définitive, à mi-chemin entre une réalité implacable (le froid, la faim, le désir, la neige) et l'ardente possibilité du surnaturel. Incontestablement lent, ‘Au-delà des collines’ finit par constituer une expérience qui peut rappeler les films de Béla Tarr : un cinéma à la fois dense et ouvert, profond et contemplatif, où l’interprétation est laissée à la liberté du spectateur. Film impressionnant, par moments sublime, ‘Au-delà des collines’ est âpre et difficile, mais la patience du spectateur en est très largement récompensée. Et les interprètes sont fabuleuses.
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