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Aline

Interview • Aline

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Anciennement nommé Young Michelin, le groupe Aline s'est enfin fait un prénom. Non contents d'avoir sorti un magnifique EP l'an dernier, ils persistent et signent en publiant en 2013 le très bon disque 'Regarde le ciel', symbole du renouveau de la pop française chantée en français. Finis les groupes indie qui lorgnent sur le succès international de Phoenix en utilisant la langue de Shakespeare : avec des artistes comme La Femme, Lescop, mais aussi Arne Vinzon ou Blind Digital Citizen, il est désormais possible, voire tendance, de fredonner les paroles dans celle de Molière. Nous avons rencontré le chanteur-guitariste Romain Guerret et le guitariste Arnaud Pilard quelques jours avant leur concert du Café de la danse, histoire d'en savoir plus sur un groupe qui a déjà bien fait parler de lui.

Time Out Paris : L'album est composé de titres anciens et d'autres plus récents, vous avez retravaillé les morceaux écrits à l'époque de Young Michelin ?

Romain Guerret : Non, on n'a rien réarrangé. Après, c'est vrai qu'on les a réenregistrés, mais sans changer l'esprit ni rien ajouter. On a gardé les instruments et les arrangements d'origine, on les a juste rejoués pour qu'ils collent à la production de l'album, avec l'aide de notre arrangeur Jean-Louis Piérot, qui a travaillé avec Daho, Miossec ou Bashung.

Le chant en français colle parfaitement à la new wave et à la pop eighties, alors que les idées reçues ont longtemps prétendu à tort que la langue française ne se prêtait pas au rock...

Romain : Ha oui, c'est clair. Il y a toujours eu de grands artistes qui ont chanté du rock en français. D'ailleurs, c'est plutôt récent, ce phénomène où les groupes n'utilisent que l'anglais dans leurs morceaux, surtout depuis Phoenix. Avant, dans les années soixante, tout le monde chantait en français, tu avais plein de bons groupes comme les Lionceaux, les Blousons Noirs...

Même le punk peut bien se chanter en français, il suffit d'écouter les Olivensteins.

Romain : On adore les Olivensteins ! Le punk aussi est une de nos grandes influences. Les Dogs ont chanté une version française du morceau "Secrets", tu connais ? C'est génial, dommage qu'ils n'aient pas continué dans cette voie, je suis certain que le résultat aurait été excellent.

Finalement, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, la France a connu une formidable explosion de groupes qui se sont lancés dans le punk et la new wave avec talent, mais personne ou presque ne les connaît aujourd'hui. Il y aurait un formidable travail de recherche à faire sur le sujet.

Romain : Tout à fait. D'ailleurs, le label Born Bad a commencé à rééditer beaucoup d'anciens singles de rock français un peu obscurs. En fait, on ne connaissait pas certains de ces artistes avant de commencer Aline. Ce sont les journalistes qui nous parlent de tel ou tel groupe, à chaque fois qu'on est en interview. Du coup, on écoute et souvent on aime. C'est comme ça qu'on a découvert les Valentins, Gamine, les Fils de Joie, les Innocents, les Désaxés, Louise Féron... Des choses à la limite entre la pop et la variété. Même les débuts d'Indochine sont intéressants. C'est stupide d'opposer Taxi Girl et Indochine, parce que faire de la pop efficace, c'est difficile et méritoire.

D'où vous vient cette envie de composer des chansons au format pop très accessible, des tubes, en un mot ?

Romain : Mes parents ne m'ont pas transmis une culture musicale très pointue. Je viens d'une famille typique de la classe moyenne française, alors j'ai découvert la musique à la radio. Je passais mes soirées à écouter les chansons du top 50, c'est sûrement pour cette raison que je cherche d'abord à composer des tubes, des chansons efficaces, qui paraissent faciles et qui parlent à tout le monde.

Arnaud : On veut que les gens puissent tous chanter nos morceaux, dans leur voiture, sous leur douche...

Romain : L'indie pop américaine à la Pitchfork est devenue quelque chose d'ennuyeux. La plupart des groupes essayent de faire du progressif en réalité, comme si écrire des chansons agréables à écouter était un crime. Je me sens plus proche de la culture anglaise. Là-bas, les gens possèdent une véritable culture musicale, ils chantent plus souvent que nous et ne font pas la distinction entre le mainstream et la musique plus underground. En Angleterre, tu peux aimer Robbie Williams et les Smiths à la fois, ce n'est pas un problème.

Et toi Arnaud, comment as-tu commencé la musique ?

Arnaud : J'ai d'abord été guitariste dans un groupe qui jouait du rock seventies, genre Led Zeppelin, etc. C'était la totale, avec les cheveux longs et les solos qui durent des heures. Ensuite j'ai arrêté parce que je sentais que j'allais devenir un blaireau, une sorte de guitar-hero ringard. Du coup, j'ai fait pas mal d'électro, du hip-hop aussi, et je suis revenu à la guitare au bout de cinq ans. J'avais besoin de ça pour simplifier mon jeu, revenir à quelque chose de spontané, de plus direct. C'est aussi l'époque où j'ai découvert le jeu de Johnny Marr des Smiths, qui m'a énormément influencé.

Tant qu'on est dans la guitare, le guitariste amateur que je suis aimerait savoir si vous comptez mettre des tablatures en ligne ? "Deux hirondelles", c'est typiquement le bon morceau à jouer chez soi sur une acoustique.

Arnaud : Bah ça prend du temps, j'avoue que j'ai un peu la flemme. Tu veux dire retranscrire tous les arpèges ?

Romain : Non, pas besoin, tu mets juste les accords. C'est pas si compliqué à faire... Mais c'est facile, "Deux hirondelles", tu peux tout retrouver à l'oreille. De toute façon, c'est comme ça que j'ai appris la guitare, moi, je jouais les morceaux que j'aimais à l'oreille.

Arnaud : Ah oui, moi aussi, tout à l'oreille. Je n'ai jamais pris un cours de gratte. Tu n'as pas besoin de cours pour jouer de la pop.

Romain : Certains pros de la guitare jouent de manière très dogmatique, ils ne vont pas te faire un accord de do mineur après un ré septième parce que ça ne se fait pas, etc. Un autodidacte, qui va mettre deux fois plus de temps à apprendre, il ne sera pas forcément un grand technicien, mais il aura développé une personnalité de jeu, un style, quelque chose qui ressemble à lui seul. Moi, je ne suis pas très bon guitariste, mais j'ai mon style de rythmique, ma façon d'attaquer les cordes. Je suis assez limité au niveau technique, mais je me suffis à moi-même.

Arnaud : On ne cherche pas à être instrumentiste, même si on l'est par la force des choses. Ça fait vingt ans que je fais de la gratte, tu me mets face à un prof de guitare, il va sûrement trouver plein de défauts dans mon jeu, et puis tant mieux. On s'en branle.

Romain : Oui, c'est horrible, les types qui jouent de la guitare de la même façon, les mêmes plans, les mêmes gammes, les mêmes trucs... Il vaut mieux être limité et avoir du style, que jouer très bien mais comme tout le monde.

Quand vous voyez le parcours de Cure par exemple, qui a su évoluer de façon radicale entre 'Three Imaginary Boys' et 'Pornography', ça vous inspire ?


Arnaud : Oui, c'est bien de changer. Un moment donné tu as besoin de fraîcheur, d'explorer de nouveau territoires.

Romain : C'est difficile de faire tout le temps la même chose, et puis c'est ennuyeux. On a quelques nouveaux morceaux qui étaient censés être sur le premier album et qui traînent dans les ordis.

Arnaud : Malheureusement on n'a pas vraiment eu le temps de se pencher dessus, avec la promo, les répét' et la tournée, on a un rythme de fou. On va s'y remettre, on a hâte d'ailleurs.

Romain : En revanche, on ne va pas non plus sortir un album totalement différent de A à Z, parce que maintenant on a une patte, une recette, il faut qu'on garde notre palette de couleurs, notre atmosphère. Mais ça peut se traduire autrement, par l'ajout d'instruments nouveaux...

Arnaud : Aborder d'autres styles, aussi. Pourquoi pas faire un morceau de reggae avec le son Aline ? C'est marrant d'imaginer ce mélange, ça nous est déjà arrivé de le faire en répétition pour déconner. Ce qui est bien, c'est que c'est un style qu'on ne maîtrise pas, comme pour "Je bois et puis je danse", le morceau a un côté funk blanc, à l'arrivée ça donne une chose inédite et singulière. Parfois, on aime bien également faire des versions zouk de certaines chansons quand on répète. C'est important de pouvoir s'amuser, même si c'est un job à plein temps.

Vos superbes pochettes sont dessinées par Martin Etienne et font partie de votre esthétique. Le style s'inscrit dans la tradition de la « ligne claire », ça fait penser aux dessins de Floc'h, Yves Chaland, Serge Clerc. Vous êtes fans de BD ?

Romain : J'ai vaguement feuilleté les BD « ligne claire » dans les années 1980 quand j'étais petit. Je lisais de temps en temps L'Echo des Savanes, mais c'est une période que j'avais un peu oubliée. Ça m'est revenu quand on a connu les dessins de Martin Etienne, qui m'ont tout de suite évoqué des souvenirs.

Arnaud : Ça colle à fond avec notre musique. C'est une super rencontre, Martin Etienne. Il est venu à Marseille à la plage avec nous, on est devenus copains. C'est important que le visuel s'accorde avec notre esprit, c'est une question d'intégrité.

Romain : Aimer un disque, ça passe aussi par l'image. Tous les disques que j'aime m'ont marqué en partie à cause de leur pochette. En tout cas, je me rappelle toujours des visuels. Là, c'est un dessin original, pas une simple photo de quatre gars.

Arnaud : On ne voulait pas avoir nos tronches sur la pochette. En plus, d'un point de vue marketing, ça marche bien, on voit bien le disque, ça tranche vraiment.

Romain : Mon premier rêve était d'être dessinateur de BD. Je dessinais toute la journée, assez mal, à l'instinct. J'adorais la BD belge, Pilote, Gotlib, les bandes dessinées comiques, ce qu'on appelle les « gros nez ». Bon, j'ai vite abandonné.

Avant de se quitter, vous ne voulez pas me donner les accords de "Deux hirondelles" ? Comme ça, c'est fait.

Romain et Arnaud : Si, carrément. Alors ça fait ré, sol (quatre fois) puis mi mineur, fa mineur, sol, la (deux fois) pour l'intro. Ensuite, ré, mi mineur, fa mineur, sol pendant le couplet, puis ré, sol, et le pont c'est mi mineur, fa mineur, sol, la. En gros, voilà.

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