Drame et humour noir au pays de Candy. Le conte musical tragique d'Alexander von Zemlinsky suivi de la fantaisie lyrique de Maurice Ravel donnent voix à une certaine vision de l'enfance, obscure et fantasque. Avis aux âmes sensibles, "Le Nain" et "L'Enfant et les sortilèges" ne font pas l'apologie de la naïveté ni des rires du jeune âge. Ces deux œuvres révèlent un jeu tragique, une leçon de vie horrifiante. Inspiré de la cruelle histoire d'Oscar Wilde, Zemlinsky met en musique le jeu dangereux que l'infante d'Espagne joue avec le nain qui lui a été offert. Le petit homme ignore tout de sa condition et se prend pour le chevalier de la petite fille. Mais ce jeu dangereux tourne court et les couleurs acidulées de l'enfance tournent vite à l'acidité. Nicola Beller Carbone et Charles Workman interprètent noblement ce triste dialogue enfantin. L'opéra prend un sens d'autant plus fort si l'on sait que Zemlinsky s'identifiait à cette petite monstruosité risible, repoussé par la femme qu'épousera finalement Gustav Mahler. Serions-nous tous des enfants qui jouent avec le feu des apparences, ou des nains qui ignorent le triste reflet de leur condition ?
L'œuvre de Ravel éveille elle aussi les images et les ombres de l'enfance, mais de manière plus féérique. Amateurs de comédies musicales ne vous laissez pas désenchanter par le terme d'opéra et accrochez-vous à vos sièges. Avez-vous déjà assisté à un duo miaulé ? L'humour et la sensibilité hurluberlue du texte de Colette sont représentés à travers une grande diversité musicale. Râpe à fromage, crécelle à manivelle et fouet donnent chair aux objets qui s'animent autour de l'enfant sur des airs de jazz, foxtrot, ragtime, ou polka.