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La Mouette

  • Théâtre
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Time Out dit

Malgré une interprétation soignée, la pièce s'embourbe dans l'actualisation faussement provoc d'Olivier Cadiot.

Un cube gris sans issue, bordé par une estrade en bois. Avec cette scénographie conçue par Jan Pappelbaum, Thomas Ostermeïer, directeur de la Schaübune à Berlin, inscrit d'emblée sa ‘Mouette’ version française – il y a trois ans, il en créait une allemande – dans une dramaturgie du no man's land héritée de Beckett et du théâtre critique à la Pirandello. Autrement dit, on est dans l'appartement à volets fermés, rempli de miroirs, qui hante le théâtre contemporain. Dans le type d'espace le plus récurrent sur les scènes actuelles. Rien dans la forme, donc, qui justifie les polémiques suscitées par la pièce depuis sa création fin février au Théâtre de Vidy, à Lausanne. On se dit donc qu'il faut chercher du côté du fond. Encore raté. Traduite et adaptée pour l'occasion par Olivier Cadiot, la pièce écrite par Tchekhov en 1895 est truffée de références poussives à l'actualité et d'effets de distanciation largement éprouvés. S'il n'y a pas de quoi se révolter, il y a de quoi bâiller.

Pour faire écho à l'horreur vécue par Tchekhov dans le bagne de l'île de Sakhaline juste avant l'écriture de ‘La Mouette’, Olivier Cadiot a imaginé une introduction ancrée dans la violence contemporaine. Micro à la main, Cédric Eeckhout raconte à Bénédicte Cerutti sa rencontre avec un médecin syrien forcé de faire le taxi pour survivre, avant de se lancer dans une critique véhémente du théâtre européen. De son élitisme autosatisfait, dont pareil réquisitoire simpliste est pourtant l'un des ingrédients habituels. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes de ce laborieux prologue qu'apparaît Tchekhov, et que l'on identifie en Cédric Eeckhout le professeur Medvedenko et en son interlocutrice la dépressive Macha. Commencent alors les intrigues amoureuses entremêlées de ‘Mouette’. Ses drames baignés d'ennui, tenus à l'écart du spectateur par la distanciation initiale régulièrement réactivée par des répliques nourries de l'histoire des comédiens et des répétitions. Par la musique de The Doors, interprétée à la guitarre par Sébastien Pouderoux, et par le paysage abstrait que Marine Dillard peint à la brosse tout au long du spectacle.

Thomas Ostermeïer oscille entre commentaire de Tchekhov et représentation classique. Dans cet entre-deux, la belle distribution avec laquelle le metteur en scène allemand avait déjà travaillé en 2013 dans ‘Les Revenants’ d'Ibsen se perd. Elle échoue à donner à cette ‘Mouette’ l'énergie du désespoir dont elle aurait eu besoin. Mélodie Richard est une Nina Mikhaïlovna transparente. Or c'est elle, la mouette. Celle qui est censée assumer pour tous les autres le spectaculaire de la chute. La déception des ambitions et des amours. Aimée de Konstantin (Matthieu Sampeur) mais aimant l'écrivain Trigorine (François Loriquet) qui finit par la quitter, reniée par sa famille pour avoir choisi d'embrasser la carrière de comédienne, cette jeune protagoniste subit chez Tchekhov une descente aux enfers qui donne le ton de toutes les autres. De celle de Konstantin surtout, qui entre sa mère actrice (Valérie Dréville) et son amour perdu ne parvient pas à trouver sa place. Qui après une tentative manquée, se suicide.

Sous les épaisses couches de « contemporain » ajoutées par Olivier Cadiot et Thomas Ostermeïer à la pièce originale, Tchekhov apparaît pourtant parfois. C'est dire sa force. Malgré tout, Matthieu Sampeur parvient à éviter la caricature. Dans certaines scènes, comme celle du loto qui précède le suicide final, l'ennui typique des atmosphères tchekhoviennes est rendu avec talent. Dans toute sa cruauté. Ces moments sont hélas trop rares. Si bien que pendant les 2h30 de cette ‘Mouette’, on se prend souvent à regretter la fureur de 'Richard III', la précédente création de Thomas Ostermeïer.

Écrit par
Anaïs Heluin

Infos

Site Web de l'événement
www.theatre-odeon.fr
Adresse
Prix
40 €
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