Revisiter Shakespeare à la sauce années 1970 ? Pari dangereux. Le metteur en scène anglais Dan Jemmett a pris ce risque en entourant Hamlet d'une cour danoise bling bling vêtue de pattes d'eph. Et nous l’en remercions. Grâce à son audace, ce grand amateur du théâtre shakespearien – auteur de 'Presque Hamlet' (2002), 'Shake' (2001) et 'Les Trois Richard - un Richard III' (2012) – signe une adaptation originale et accessible de la plus longue pièce de l’écrivain.
L'action de cette histoire écrite à la fin du XVIe siècle se déroule ici dans un bar-club seventies orné de trophées d'escrime. Au milieu d'une famille royale décadente, Denis Podalydès incarne un Hamlet marginal et complètement déphasé. Habillé d'un costume noir, un livre à la main, il fait figure d'intello névrosé parmi des protagonistes hyper lookés, qui ne pensent qu'à boire du champagne. Le personnage éponyme, rappelons-le, souffre du décès de son père (le roi du Danemark), remplacé sur le trône par son frère Claudius. Moins de deux mois après, le nouveau monarque a déjà épousé la veuve du défunt. L'apparition du fantôme du roi, qui révèle à Hamlet que Claudius l'a assassiné, fait basculer le prince de la mélancolie au désir de vengeance. Pour mener à bien son projet, il décide de simuler la folie...
Dans le public, on se surprend à rire de cette tragédie. L'excellent texte original (traduit par Yves Bonnefoy), par moments très ironique, y est pour beaucoup. Mais on doit également plusieurs poilades à de bons rôles secondaires, comme le grotesque Polonius (Gilles Davis), amateur de proverbes et de belles tournures. Ou le trio de comédiens invités à la cour pour distraire Hamlet, qui prennent des airs de rockeurs snobs. Autre bonne trouvaille : les deux courtisans Rosencrantz et Guildenstern se trouvent ici fondus en un personnage, sorte de clown doublé d'une marionnette de chien.
Quant à Podalydès, avec son apparence qui se détériore de scène en scène, il semble très à son aise en prince déséquilibré. On regrette seulement le choix d'un acteur trop âgé (52 ans), face à un père trop jeune (le spectre du roi, Sébastien Pouderoux, en a trente et quelques). La mise en scène demeure néanmoins puissante. Car entre deux sourires amusés, on s'émeut, on se désole. Effet cathartique garanti.