Aurélien Bory prend ses quartiers d’été au théâtre de la Cité internationale avec un nouveau spectacle de la compagnie 111, dont le génie nous laisse sans autre mot que « frappadingue » pour décrire cet OTNI robotique. « Sans objet » ? Pas vraiment en fait. Une machine immense surplombe la scène, sorte de monstre industriel aux faux-airs de Wall-E adulte. Face à ce mastodonte, deux humains muets en costard-cravate instaurent un dialogue avec la bécane par le langage du corps et du mouvement. Ces trois personnages oniriques se partagent alors l’espace dans une danse mécanico-poétique pas dénuée d’humour.
Pourquoi cette chorégraphie ? Dans quel but ? On ne le sait pas vraiment, c’est aussi pourquoi ‘Sans objet’ est sans objet. Cette machine n’a plus d’autre raison d’être que d’agir inutilement, dépendante de la volonté narcissique de l’homme. Aurélien Bory questionne ainsi la raison d’être de l’art ; ne devrait-il pas être toujours sans objet, sans autre but que d’être vu ? Loin de toute forme pratique et utile, cette machine semble réduite à sa servilité à l’égard de l’homme. Dénuée de toute autonomie elle en paraît d'autant plus humaine et animée par un comportement irrationnel.
Comme toute manifestation artistique, cet engin sans objet ne dépend que du regard qu’on voudra bien porter sur elle. C’est ainsi une mise en abyme troublante que révèle ce spectacle en nous interrogeant sur notre rapport à la technologie et à l’art. Tout ceci sans pour autant se prendre au sérieux. Car on rit durant ce spectacle autant qu’on s’émerveille de tant de prouesses techniques et acrobatiques. Plongés dans une hypnose de cette trajectoire gesticulatoire, le public est comme happé par ce monde imaginaire et absurde, il suit les rêveries de son scénographe avec un appétit des yeux rarement égalé. ‘Sans objet’ donc, mais pas sans plaisir !