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Hugo Cabret

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Hugo
"Hugo"
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

A première vue – et c'est chose rare – il semble bien difficile d'inclure Hugo Cabret dans la lignée des chefs-d’œuvre scorsesiens... Ici, le film met en scène des enfants, et dépeint en 3D leurs aventures joyeuses dans le décor un peu surfait de rues du Paris des années 1930, finalement moins hostile que l'on voudrait nous le faire croire. Pour autant, gare aux jugements hâtifs : il est bien possible que ce long métrage soit l'une des œuvres les plus personnelles de Scorsese. Vibrante déclaration d'amour au cinéma, Hugo Cabret est un hommage chargé d'émotions, célébrant les magiques imperfections de la pellicule, au moment même où ses jours se voient comptés... Bref, c'est un film sur le bonheur de faire des films, et sur l'importance de perdre la raison – et de se trouver soi-même – dans une salle obscure.

En apparence, Hugo Cabret ressemble à un conte de fées pour enfants, inspiré de la bande dessinée de Brian Selznick publiée en 2007, et adaptée ici par John Logan (Aviator), déployant les dernières innovations techniques de l'imagerie de synthèse pour recréer le décor d’un Paris ensorcelant. La ville n'y est pas montrée avec réalisme mais s’y trouve sublimée, plus grande, plus belle, plus merveilleuse que nature. Le film a pour vedette Asa Butterfield, jeune Londonien de 14 ans dont le minois triste, mélancolique et inspiré convient parfaitement au rôle. Asa interprète donc l'orphelin Hugo, qui vit secrètement dans un recoin d'une gare dont il remonte les horloges avec application. En parallèle, le jeune protagoniste consacre tout son temps libre à la réparation d'un automate sur lequel travaillait son père horloger (Jude Law), juste avant de mourir : il s'agit d'un petit personnage mécanique tenant un stylo plume dans ses mains. Hugo est persuadé que l'automate, une fois remis en marche, lui délivrera un message de son père. Pour mener à bien sa mission, il est rejoint par une adolescente, Isabelle, garçon manqué enthousiaste et naïve (Chlöe Grace Moretz, déjà vue dans Kick Ass, un brin trop enjouée).

En définitive, et c'est là toute la magie du film, ce n'est pas à son père que le mystère de l'automate conduit le jeune héros. Au bout de sa quête, Hugo va découvrir le monde fabuleux du 7e art, et en particulier sa naissance, en compagnie du cinéaste Georges Méliès en personne, merveilleusement interprété par Ben Kingsley. Cette partie du récit s’inspire de la réalité : le magicien Méliès fut l'un des premiers pionniers du cinéma et, tombant dans l'anonymat, la plupart de ses 500 films ou « presque films » furent détruits. Méliès fut redécouvert, des années plus tard, travaillant comme fabriquant de jouets de la gare Montparnasse. Impossible de ne pas y voir un parallèle autobiographique, étant de notoriété publique que Scorsese découvrit, dans les années 1970, le réalisateur Michael Powell dans la même situation que Méliès, oublié, vivotant dans la misère. Et l'un de ses dons les plus fervents au cinéma est d'avoir préservé et restauré ses films.

Ainsi, Scorsese nous emmène avec lui le temps d’une visite éclair à travers l'histoire du cinéma (ce qui ennuiera peut-être les plus jeunes mais réjouira les autres). Alors qu'Hugo et Isabelle se retrouvent devant Harold Lloyd, un flashback a lieu, où nous devenons les témoins de Méliès regardant L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, filmé par les frères Lumière et mettant en scène (comme son titre l'indique) un train débarquant à toute vitesse dans la gare. Et plus d'un siècle après l'œuvre d'origine, le public écarquille une nouvelle fois les yeux, devant cette scène, sans conteste l'un des plus beaux arguments cinématographiques en défense de la 3D qu'il nous ait été donnés de voir. Les films ont toujours rêvé de s'échapper de l'écran, de nous sauter au visage : voilà ce qu'ici Scorsese veut nous dire. La 3D se trouve ainsi mise à l'honneur, et exploitée avec intelligence ; notamment à travers les mécanismes complexes des massives horloges de la gare, mais surtout – et c'est le plus réussi – dans les visages des acteurs dont la profondeur et la beauté illuminent l'écran.

Le casting est principalement britannique, donnant à l'ensemble des airs de conte à la Dickens, parsemé de nombreux effets comiques des premiers films muets. Sacha Baron Cohen (le policier de la gare) est ici le grand méchant de l'histoire, mais ses mauvaises blagues manquent hélas un peu de souffle. En outre, le film est un peu trop inégal pour être véritablement formidable, et l'histoire bafouille par moments… Mais la foi indéfectible dans le cinéma portée par le récit est communicative : « Si vous vous êtes déjà demandé d'où viennent vos rêves, sachez qu'ils sont nés ici » affirme Méliès-Kingsley. D’une certaine façon, on pourrait y voir les adieux de Scorsese à la pellicule, mais le cinéaste de 69 ans n'est manifestement pas prêt à quitter la scène de si tôt, réalisant ses films avec un engouement constant, comme si c'était, au fond, toujours la première fois. Et ça se voit.

Détails de la sortie

  • Noté:PG
  • Date de sortie:vendredi 2 décembre 2011
  • Durée:122 mins

Crédits

  • Réalisateur:Martin Scorsese
  • Scénariste:John Logan
  • Acteurs:
    • Sacha Baron Cohen
    • Chloe Moretz
    • Asa Butterfield
    • Jude Law
    • Christopher Lee
    • Ben Kingsley
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