Recevez Time Out dans votre boite mail

Kes

  • Cinéma
Kes
Publicité

Time Out dit

Le faucon ascendant

Alors que l'élan des années 1960 commençait à redescendre, emportant avec lui cette nouvelle vague – dialectes locaux, lutte des classes, accent du Derbyshire et fanfaronnades agressives – qui avait menacé de faire glisser le cinéma britannique dans une sorte de cauchemar socialiste-moderniste industriel, on fit la découverte des vrais réalistes, assis tranquillement dans un coin et attendant que quelqu'un les remarque. Bien évidemment, le premier d'entre eux était – et est toujours – Ken Loach, l'artisan du cinéma le plus acharné de ce pays, quarante-sept ans sur le terrain culturel et toujours aucun signe d'essoufflement.

En 1969, Ken Loach réalisa son second long métrage 'Kes', et à peine quelques années plus tard, il se démenait pour pouvoir continuer à faire du cinéma : la preuve, peut-être, que l'honnêteté n'est pas toujours la meilleure politique. Parce que 'Kes' est, à défaut d'autre chose, une œuvre d'une honnêteté saisissante, à la fois dans ses interprétations, ses relations, sa représentation et son traitement du piège de l'existence ou encore sa triste acceptation des failles humaines. C'est un peu banal à écrire, mais ce n'en est pas moins vrai : Billy Casper se bat pour l'enfant écrasé qui sommeille en chacun de nous, aux côtés de son faucon bien-aimé, esprit libre et élancé que l'école, le travail, la famille et la société conspirent à supprimer.

Pourtant le plus terrible n'est pas là, mais bien dans l'idée suggérée par Ken Loach que le destin de Billy n'est pas seulement inévitable mais qu'il est nécessaire. Pour sauver sa peau dans ce monde de professeurs de gym qui aboient, de parents débordés et de grands frères maltraités (tous étant à un moment ou à un autre aussi francs et inspirés que l'est Billy), il faudra faire avec, et en gardant le sourire. Voilà pourquoi 'Kes' reste un film dévastateur, marquant l'apogée du réalisme britannique et s'imposant comme l'une des œuvres les plus déchirantes de tout le septième art.

Écrit par Tom Huddleston / Trad. Charlotte Barbe
Publicité
Vous aimerez aussi