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La Terre et l'Ombre

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Terre et l'ombre
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Un premier film colombien, languide et sensuel, d’une bouleversante sobriété

Primé à Cannes par une Caméra d’Or hautement méritée, récompensant un premier long métrage, ‘La Terre et l’Ombre’ suit Don Alfonso (Haimer Leal), vieux paysan fourbu de retour au sein de la ferme familiale, après l’avoir désertée dix-sept ans plus tôt, y abandonnant sa femme et son fils. Ce dernier, désormais lui-même mari et père d’un jeune garçon, se trouve en effet gravement malade, confiné dans une chambre obscure à l’abri de la lumière et des pluies de cendre permanentes dues au brûlage des cannes à sucre qui environnent le lieu.

Tandis que ce grand-père fantomatique, son fils souffrant et son petit-fils songeur squattent la ferme, la grand-mère et sa belle-fille travaillent au milieu de ces fameux champs, cruel horizon vertical où commence à gronder une sourde révolte des paysans locaux devant des conditions de travail inacceptables. Entre intimité familiale et conflit social, ‘La Terre et l’Ombre’ s’avance peu à peu comme une ode aux déclassés, une élégie poignante, aux plans fixes d’une simplicité souvent sublime.

Rappelant Andreï Tarkovski (référence affirmée du jeune cinéaste César Augusto Acevedo) et, parfois aussi, le réalisateur mexicain Carlos Reygadas (en particulier avec ‘Japon’ ou ‘Lumière silencieuse’), ‘La Terre et l’Ombre’ aborde avec une extrême délicatesse les questions de la transmission, de la disparition ou du panthéisme, à travers des séquences d’une limpidité saisissante, où resplendissent le chant des oiseaux ou la matérialité d'une végétation recouverte de cendres…

Mais le film sait aussi susciter une profonde compassion face à l’exploitation des manutentionnaires dans les champs de cannes à sucre. Jouant ainsi avec finesse sur les couples d’opposés (intime/social, intérieur/extérieur, ombre/lumière, enfance/vieillesse…), César Augusto Acevedo signe ici une singulière oraison funèbre. Et s’affirme comme un cinéaste sobre et puissant. A moins de 30 ans, c'est franchement impressionnant. 

Écrit par
Alexandre Prouvèze
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