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Le Corbeau (1943)

  • Cinéma
Le Corbeau
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Time Out dit

Les 100 meilleurs films français

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Henri-Georges Clouzot fait partie avec Claude Autant-Lara et Julien Duvivier de ces cinéastes d’avant la Nouvelle Vague qui ont porté un regard noir et misanthrope sur leurs contemporains. De façon injuste, ils ont tous été attaqués sans relâche par la jeune garde des Cahiers du Cinéma, François Truffaut, Jean-Luc Godard et consorts, qui n’ont pas su voir l’immense originalité de ces auteurs à part, bien loin du conformisme du cinéma français classique. Il faudra donc attendre parfois de longues années avant que soit reconnue leur modernité éclatante. Dès son deuxième film, 'Le Corbeau', Clouzot réalise en effet une œuvre radicale et politiquement incorrecte, où l’on parle d’avortement, d’adultère et surtout de dénonciation, tout ça en pleine occupation allemande. Inspiré d’un fait divers réel, « l’affaire de Tulle », le film raconte avec un brio comment une petite commune sombre dans la paranoïa à cause d’une vague de lettres anonymes mêlant calomnies et vérités. Un homme, le docteur Rémi Germain (Pierre Fresnay), se trouve vite au cœur des dénonciations et décide alors d’enquêter pour laver son honneur. Avec ses personnages ambigus et secrets, son esthétique expressionniste et son suspense, 'Le Corbeau' préfigure en réalité le film noir américain né à la même époque mais que les Français ne découvriront que bien après. Moins liée à un genre (le polar) que le film noir, l’œuvre de Clouzot repose en réalité à la fois sur une vision du monde lucide et sur la personnalité du réalisateur. Celui-ci admettra par exemple : « Il se trouve simplement que je préfère au gris terne le noir éclatant. » C’est la société de production allemande Continentale, créée après l’armistice en France, qui produit le film en 1941, après bien des réticences que le cinéaste parvient à apaiser. L’indépendance relative dont jouit cette société permettra ironiquement à Clouzot d’éviter la censure, alors qu’il aurait peut-être échoué quelques années plus tôt ou plus tard ! En dépit du succès public immédiat du film, la campagne publicitaire est interdite par la Gestapo, qui ne voit pas d’un bon œil cette condamnation de la lettre anonyme. Mais l’histoire du 'Corbeau' ne s’arrête pas là. Car les publications clandestines de la Résistance vont bientôt s’insurger contre ce film « anti-français » dépeignant le pays comme un repaire de « dégénérés », de gens vicieux, concupiscents et sans foi ni loi. C’est un comble : au nom de valeurs presque vichyssoises, le scénariste Louis Chavance et Henri-Georges Clouzot se voient accusés par des critiques communistes comme Georges Sadoul de ternir l’image de la France. A la Libération, une campagne aberrante de dénigrement est lancée, qui aboutit à la censure du film et à une interdiction de tourner pour Clouzot. Plusieurs pétitions d’intellectuels s’élèveront contre ces sanctions et Henri-Georges Clouzot pourra travailler dès 1947 à son nouveau chef-d’œuvre, 'Quai des Orfèvres'.

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Écrit par Emmanuel Chirache
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