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L'Enlèvement de Michel Houellebecq

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
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L'enlèvement de Michel Houellebecq
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Devenir un personnage de fiction. C'est la dernière consécration qui manquait à Michel Houellebecq pour devenir une véritable icône pop à la française. A l'écran du moins, car l'auteur s'est déjà mis en scène dans son roman 'La Carte et le Territoire', prix Goncourt 2010 dans lequel il prend un malin plaisir à s'inventer une fin horriblement gore. Pour Arte, c'est le cinéaste Guillaume Nicloux qui s'amuse à imaginer ce qu'aurait pu être l'enlèvement de l'écrivain, à partir d'une rumeur de 2011 qui, pendant une semaine, fit croire à un kidnapping de Houellebecq.

Qu'on aime ou non ses livres, qu'on partage ou pas ses prises de position sur la société, force est de reconnaître que Houellebecq incarne un personnage comique savoureux, un mélange de Droopy accro à l'alcool et au tabac et de Gaston Lagaffe malade. Quand Michel s'essaye au free-fight avec l'un des preneurs d'otage, véritable champion dans la vraie vie, difficile de ne pas voir le célèbre gaffeur en train de boxer. Tout chez Houellebecq ressort du décalage, à la fois comique et tragique : décalage entre son visage abîmé de poivrot et l'intelligence de son discours, décalage entre son corps qui se meut avec difficulté et une vivacité d'esprit, comme un rejet de greffe de la part du cerveau, décalage enfin entre une forme de franc-parler doux qui lui fait dire les phrases les plus désarmantes de simplicité et une violence qui ressort parfois soudainement.

Tout le film joue par ailleurs sur la distance, première mais pas insurmontable, entre ce personnage, sans doute proche du vrai Michel Houellebecq, et les autres comédiens : un champion de free-fight (Mathieu), un bodybuilder (Maxime) et un gitan qui ressemble à Patrick Sébastien en plus costaud (Luc). Des gens rudes mais courtois, des prolos curieux de connaître cet intellectuel, qui, entre deux ballons de rouge, lui posent des questions sur son art, ses livres, sa vision de la vie ou le milieu médiatique en général. Houellebecq, en retour, s'intéresse aussi à eux dans des saynètes hilarantes et parmi les plus réussies : la démonstration de free-fight avec Mathieu et Luc, la séquence où Maxime lui présente son corps bodybuildé (« Oh, c'est marrant ! » quand son geôlier joue avec ses pectoraux), celle où Luc essaye de lui apprendre à siffler, etc.

Avec lui, les trois malfaiteurs sont prévenants, amicaux, touchants. Ils s'inquiètent de sa santé fragile. « J'ai bien compris que tu buvais beaucoup, hein... Ceci dit, je veux pas que tu te cartonnes la gueule comme ça », s'enquiert Maxime. On rit beaucoup, on écoute, on participe, et on se dit qu'on aimerait bien savoir qui est l'auteur de ce super personnage qui s'appelle Michel Houellebecq.

Écrit par Emmanuel Chirache
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