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Notre petite sœur

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Notre petite soeur film Kore-eda
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Si l’on en croit le murmure cannois et les affluences dans les salles, le cinéma japonais ne semble pas intéresser le public et les critiques outre-mesure. Il faut dire que les films présentés dans les différentes compétitions ne proposent ni des thèmes très originaux, ni des traitements radicaux. En revanche, ils possèdent tous l’immense mérite de déplacer notre regard, de nous mettre en situation d’inconfort, de nous rappeler qu’il existe bien d’autres manières de faire que celles auxquelles nous sommes habitués. Avec ‘Notre petite sœur’, Hirokazu Kore-eda s’inscrit autant dans la lignée de sa propre œuvre que dans celle du cinéma de son pays. Un cinéma à l’image même du Japon, sans conflits ou presque, sans tension dramatique, sans souci d’efficacité narrative, un cinéma touchant par sa naïveté, où les personnages ne semblent jamais totalement sortir de l’enfance et de son rapport immédiat au monde, un cinéma avec des qualités esthétiques et contemplatives sans égales, dans lequel les lieux, les objets et les morts prennent vie.

Après ‘Nobody Knows’ et ‘Tel père tel fils’, Kore-eda continue de penser la famille comme endroit par excellence de l’aventure contemporaine. Abandonnées par leur père puis leur mère, trois sœurs vivent ensemble dans une belle et ancienne maison. Après le décès de leur père, elles rencontrent leur demi-sœur Suzu et l’invitent à quitter sa mère pour venir vivre avec elles. Notre vision biaisée d’Occidental voudrait sans doute qu’à partir de cet instant, un obstacle, un enjeu ou un conflit intervienne. Il n’en est rien, et quand le petit copain d’une des sœurs suggère que Suzu pourrait avoir manigancé tout ça et n’être pas qui elle paraît, c’est bien entendu une fausse piste tout de suite abandonnée. Car Suzu, jouée par la très jolie Suzu Hirose (actrice et mannequin comme beaucoup de comédiennes japonaises), est une source d’émerveillement perpétuel pour tout le monde. Gentille, serviable, polie, attentionnée, souriante, super bonne en foot, elle ravit tous ses nouveaux camarades.

La figure-repoussoir du père absent, souvent décrit comme « stupide » par les sœurs, ne doit sa rédemption qu’à cette petite sœur. Puisqu’il a donné vie à Suzu, le paternel n’était donc pas si mauvais après tout. Le film s’attarde alternativement sur chaque sœur et sur leurs relations entre elles, avec au centre de cette toile Sachi. L’aînée gère la maisonnée et veille sur ses cadettes comme un sacerdoce. Sérieux, appliqué, sage, parfois austère mais toujours bienveillant, le film ressemble un peu à son héroïne. Comme elle, il observe avec fascination Suzu évoluer dans le monde et gagner en confiance, finissant par se mettre à poil devant le ventilateur après son bain. Un beau plan surprenant parmi d’autres, autant d’instants qui constituent ce joli film un peu trop lisse, naïf et sincère comme une adolescente.

Écrit par Emmanuel Chirache
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