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Réalité

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
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Réalité - Quentin Dupieux - Alain Chabat
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

A force d’absurde, Quentin Dupieux a su se faire un non. Un non ferme, comme celui de « non-sens », de ‘Nonfilm’, son très confidentiel premier long métrage, et du « no reason » expédié en ouverture de ‘Rubber’. Une négation absolue des logiques de narration traditionnelles, que le réalisateur a répétée tel un mantra tout au long du triptyque irréel conclu par ‘Wrong Cops’, et qu’il semble aujourd’hui avoir eu envie de taire avec son dernier ‘Réalité’. Non pas que Dupieux ait abandonné sa science des rêves pour du réalisme – bien au contraire. La seconde facette de Mr. Oizo montre un profil différent, autour de ce qu’il nomme justement la « mécanique des rêves », troquant ses habituelles fantasmagories pour un onirisme d’inspiration buñuelien. Face au très désincarné ‘Wrong’, ‘Réalité’ accorde ainsi plus de chair et de poésie à son personnage principal, Jason Tantra (Alain Chabat), caméraman pour émissions culinaires cherchant à réaliser un premier film d’horreur – qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler ‘Rubber’.

Cette nouvelle couleur, doublée du choix de tourner en français et de s’inspirer de ses propres rencontres avec des producteurs, offre également plus de corps au cinéma abscons de Dupieux. Sa rencontre avec Chabat n’y est certainement pas étrangère, tant l’acteur surprend par son naturel, là où les personnages de Dupieux brillent habituellement par une certaine forme d’absence et une bizarrerie flottante. L’ex-Nuls, dont le cinéaste est proche depuis plusieurs années, s’était déjà vu proposer les premières versions de 'Réalité', nées après la sortie de ‘Steak’. Maintes fois réécrit, travaillé sur la longueur (à l’opposé de l’urgence qui guide habituellement l’œuvre du réalisateur), ‘Réalité’ respire une confiance nouvelle, une plus grande maturité. A l’image, par exemple, de l’incroyable rencontre entre Chabat et le producteur facétieux joué par Jonathan Lambert. Là encore, le fait que Dupieux puise dans son vécu offre à la scène une tonalité différente, toujours aussi incongrue, moins violente, mais autrement plus truculente.

‘Réalité’ s’éloigne donc de ses prédécesseurs, mais ne marque toutefois pas une cassure nette avec ceux-ci, tissant un monde adouci, toujours avec l’incohérence pour seul fil d’Ariane. Quoiqu’habillé d’une musique signée Philip Glass (Dupieux ayant jusqu'ici signé toutes ses musiques) et écrit avec plus de finesse, le film garde les codes esthétiques de ses réalisations précédentes, et se permet même quelques clins d’œil, comme la fameuse jeep conduite par Eric Wareheim et qui ouvrait déjà ‘Steak’. Mais, contrairement à celui-ci et à tous ses successeurs, 'Réalité' restera comme le film qui préfère – enfin ! – ne pas dire son non.

Écrit par Yves Czerczuk
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