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L'Astragale

  • Cinéma
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L'Astragale
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Leïla Bekhti et Reda Kateb, couple de hors-la-loi magnétiques à la fin des années 1950, pour un essai tendre et racé sur la frustration de la passion amoureuse – et un bel hommage au cinéma de la Nouvelle Vague.

Avril 1957. Albertine (Leïla Bekhti), 19 ans, s’évade de la prison pour femmes où elle purge sa peine pour un hold-up et un meurtre accidentel. Lors de sa fuite, elle se fracture l’astragale, petit os du pied (au fort joli nom, incontestablement), et se voit recueillie, claudicante, par Julien (Reda Kateb), un repris de justice au grand cœur qui la cache chez une de ses amie à Paris. Mais tandis que Julien repart en province fomenter ses prochains gros coups, Albertine tente de réapprendre à marcher à Paris, se livrant peu à peu à la prostitution pour survivre.

Pour ceux qui n’auraient pas vu ‘Les Baisers de secours’, très beau film autobiographique de Philippe Garrel, précisons que l’actrice Brigitte Sy, qui réalise ici son deuxième long métrage (après ‘Les Mains libres’ en 2010, qui évoquait déjà le milieu carcéral), fut la compagne du cinéaste et la mère de ses deux enfants, Louis et Esther Garrel – qui apparaissent d’ailleurs dans ‘L’Astragale’. Et il y a effectivement quelque chose de très « garrelien » dans l’émouvante histoire d’amour décalée, rompue, chaotique, qui lie ici les personnage d’Albertine et Julien. Dans le noir et blanc hanté du film, bien sûr, mais aussi dans sa temporalité riche de silences, de non-dits, ou plutôt d’impossibilités à dire.

Mais ‘L’Astragale’ développe aussi – surtout – sa tonalité propre, singulière, à travers une narration romanesque assumée, proche du roman éponyme d’Albertine Sarrazin dont il s’inspire. La séparation des corps languissants (celui de l’héroïne, en particulier) malgré les sentiments irrépressibles, l’attente, le désir, la fuite… Davantage qu’une classique histoire d’amour, c’est plutôt un théorème de la frustration qui se développe ici, Albertine et Julien ne parvenant à se croiser qu’au gré d’intermittentes éclipses des aléas de l'existence.

Ainsi, si Reda Kateb scintille d’un étonnant charisme à mi-chemin entre Patrick Dewaere et JoeyStarr, c’est Leïla Bekhti qui resplendit véritablement au centre de ‘L’Astragale’, rappelant assez régulièrement l'Anna Karina de ‘Vivre sa vie’ (1962) de Jean-Luc Godard, dans la peau de cette jeune femme libre et affranchie, mélange de témérité et de candeur, d’insolence et de jusqu'au-boutisme. Un écrin sobre, raffiné, pour une figure de la féminité émouvante et audacieuse. 'L'Astragale', un bel astre hagard.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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