Emmanuelle Luciani, une révolution artistique made in Marseille
© Southway Studio
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Emmanuelle Luciani, la révolution artistique made in Marseille

Entre ses projets à foison et le pavillon Southway, Emmanuelle Luciani met toujours Marseille au centre de sa création.

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Emmanuelle Luciani est née à Marseille. C’est important pour elle, à la fois dans sa construction et dans sa méthodologie. Car elle a à cœur de mélanger le high art et la culture populaire. Ici, à Marseille, les classes sociales ne sont pas exactement organisées de la même façon qu’ailleurs en France. Il y a comme une « déhiérarchisation ». Sa ville, au mélange insolite, a marqué l’œil d’Emmanuelle, en la rapprochant d’une sorte de regard américain.

Son père corse a bâti l’empire du café Luciani, torréfié 100 % marseillais dans les quartiers nord. Sa mère vient d’un héritage provençal bourgeois. Petite, Emmanuelle passait ses journées entre le quartier néo-industriel de Saint-Just et la calanque de Sormiou, où elle explore un cabanon sans électricité ni eau courante mais rempli d’histoires et de paniers en osier. Un bâtiment qui appartient à sa famille depuis le XIXe siècle. Sorte de vision proto-écologique, il s’y trouve un dépouillement très poétique, la Méditerranée en apparat. C’est sa grand-mère qui a géré la calanque de 1890 à 2008 : c’est de là que vient son attachement au patrimoine. Marseille, avec ses noyaux villageois qui résistent de façon spontanée à l’appétit de la mégalopole, est au cœur de son identité.

Emmanuelle Luciani, une révolution artistique made in Marseille
© Southway Studio

Après des études aux Beaux-Arts de Marseille et en histoire de l’art à Aix-en-Provence, elle part à Rome chercher une approche plus latine et intuitive, loin des sciences sociales dominantes en France. Son héritage italien (Pantelleria, Gênes) n’est jamais loin : bilingue, elle nous rappelle que Marseille comptait 40 % d’Italiens au XIXe siècle. Mais elle nuance la comparaison avec Naples. Les deux villes levantines partagent la même histoire, avec une forte sédimentation historique. Mais, « Marseille est plus lumineuse, car ici on danse avec l’histoire, et la nature alentour est plus accueillante. C’est moins violent, plus calme. Marseille est liée à la douceur de la Provence. » Elle aime pourtant les comparer sur d’autres aspects : « Comme à Naples, nous n’avons pas ce désir de pureté que l’on peut voir en Europe du Nord. On aime avoir du recul et de l’humour. La magagne, c’est très important ! »

Un pavillon de tous les possibles

Étudiante, elle a déjà un credo : créer et faire voir. Être celle qui accroche une toile, qui monte une exposition et qui ajoute la touche finale de couleur. Avec Southway Studio, elle va plus loin. Dans ce pavillon ouvert en 2020 boulevard Michelet, elle invente un monde où cohabitent expositions, résidences d’artistes, et même un hôtel. Elle accueille des écrivains et artistes comme Jacopo Pagin, Étienne Marc, Dorian Renard, Andrew Humke ou Bonnie Banane. En septembre 2024, elle a même lancé une résidence d’écriture avec la journaliste Lisa Vignoli, invitant notamment Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018. 

Emmanuelle Luciani, la révolution artistique made in Marseille
© Adel Slimane Fecih

SouthWay, ce sont aussi des œuvres « totales », où la musique occupe une place centrale. Curatrice du festival Porsche Scopes à Marseille, elle a su créer des alliances inattendues entre tuning et baroque. La performance qu’elle a imaginée entre la chanteuse Regina Demina, une barre de pole dance et une voiture de luxe a marqué les esprits au printemps 2024, avant un bis, sur invitation de la Ville de Marseille, en clôture du festival Art-o-Rama le 1er septembre, au palais du Pharo. 

Emmanuelle Luciani, la révolution artistique made in Marseille
© Southway Studio / Émile BarretRégina Demina

L’OM, c’est sacré

Côté style, Emmanuelle arbore souvent un palmier blond, des bagues à chaque doigt et des bijoux mélangeant héritage familial et créations modernes. Elle mixe les alliages : or rose, argent, or blanc, or jaune bien sûr. Avec Bella Hunt, son alias artistique créé avec Dante di Calce, elle conçoit des poteries et des fresques, intégrant des pigments naturels dans la chaux, mais aussi des œuvres en bronze ou en Plexiglas. Sa patte ? Un mélange de traditions médiévales et d’éléments futuristes. Médaillons de l’OM (Emmanuelle est une fervente supportrice), volants de voiture, coupes sportives ou figures inspirées de la faune et de la flore s’invitent dans ses expositions. Héritière d’un esprit arts & crafts à la William Morris, Emmanuelle s’inspire aussi bien de Philip K. Dick que de Jean-Michel Jarre, Sterling Ruby, Svetlana Zakharova ou du jeu vidéo Street Fighter.

Prolifique, l’actuelle directrice artistique des Résidences de la Fondation Hermès vient de publier un ouvrage réalisé en tandem avec l’artiste Émile Barret. Un projet visuel singulier, dans la droite ligne de leur initiative Funerall Football : une série d’explorations dans les cimetières de la région, à la recherche des tombes de supporters et d’anciens joueurs de l’OM, toutes marquées – forcément – par des hommages visuels au club. Un projet à la frontière entre culture populaire et sacré qui est devenu une exposition.

Emmanuelle Luciani, la révolution artistique made in Marseille
© Lucas Piquet

Ces prochains mois, Emmanuelle Luciani enchaîne les projets avec la même énergie syncrétique. Au programme : Pimp My Nails (du 24 avril au 29 juin), une installation totale qui fait dialoguer tuning et nail art pour interroger les codes du décoratif et les rapports entre féminité et automobile. Puis, dès juillet, l’exposition anniversaire des cinq ans du Pavillon Southway (du 3 juillet au 23 octobre), où un noyau dur d’artistes fidèles viendra célébrer ce laboratoire domestique, à la croisée des temps et des disciplines. Bref, on n’a pas fini d’entendre parler d’Emmanuelle Luciani !

Pavillon Southway
433 boulevard Michelet 13009 Marseille
Sur rendez-vous du lundi au vendredi, de 14h à 18h.

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