Pousser la porte de Grenat, c'est entrer dans un autre Marseille : salle chaude tournée vers l'intérieur qui isole du foutraque Vieux-Port, généreux comptoir en granit et ambiance feutrée bercée par la chaleur d'une immense cheminée. Bien loin du BBQ saucisse qui enfume les étés phocéens, Grenat manie le feu avec la subtilité d'un souffleur de verre. Les aliments sont tous léchés, saisis, brûlés selon qu'ils doivent être rosés, fumés, grillés.
Un petit labné fumé pour se faire le palais, puis les chefs jonglent avec un subtil système de grilles à étages pour sortir une cuisine minutée à la flamme avec une parfaite maîtrise. Ce midi-là, un roulé de lapereau en kombu braisé l'emportait sur les coquillages à la cheminée. On attrape ce petit lapin subtil farci aux herbes, sauçant l'XO jusqu'à la dernière trace. A suivre, de belles ravioles de chèvre cachées sous des feuilles de chlorophylle et de longues pappardelles de betterave. Le Grenat d'Antoine Joannier et Neil Mahatsry tiendrait plus de cette racine que de la pierre couleur rosé.
Les vins sont aussi ciselés, plutôt nature, avec des cock-mocktails proposés en pairing. Embaumé, on l'est jusqu'au dessert avec un moelleux au malt, espuma de yaourt et marrons fumés. Un petit goût cendré en bouche, on pense à l'été où Grenat investira une belle salle ouverte sur un patio, s'interrogeant néanmoins sur la pertinence d'une cheminée par 35°. En attendant, profitez-en en réservant les deux places au bout du comptoir, face cheminée. Le spectacle de l'homme face au feu y est fascinant.