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Animer le paysage

  • Art, Technique mixte
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Au cœur des Ardennes, un territoire paysager et animal.

Se courber en deux, plisser un peu des yeux, poser ses deux mains sur ses genoux fléchis, tendre l'oreille et affiner la vue. Là, bien ancré sur la terre, campé dans un corps à l'affût, on a peut-être une chance de percevoir quelque chose. Ce n'est qu'une fois que l'on s'est glissé dans la peau de cet être attentif, curieux et scrutateur que l'on peut entrer dans l'exposition estivale du musée de la Chasse : ‘Animer le paysage’.

Se pencher pour mieux regarder

‘Animer le paysage’ présente les œuvres issues d'une résidence à ciel ouvert offerte à plusieurs artistes à Belval, dans les Ardennes. Vaste territoire d'expérimentation sans limite ni contrainte, cet ancien parc de chasse transformé en réserve naturelle est à la fois l'objet et le sujet des recherches menées en son sein. Dans une démarche de recherche qui fait de l'écologie une science, chaque artiste a mis au point une méthode d'enquête pour parcourir ce territoire et comprendre de quoi il se compose. C'est donc munis de leur regard artistique qu'ils sont partis à la rencontre de ceux qui peuplent cet environnement.

Véritable enquête menée sur la nature, et à partir d'elle, l’exposition nous fait frôler les secrets de sa transformation en rencontrant les différents acteurs qui l'habitent. Forestiers, chasseurs, agriculteurs, animaux, grains de sable, végétaux… Toutes ces présences participent, à leur manière, au modelage du paysage. Mais qu'est-ce que le paysage ? Commissaire de l'exposition, Bruno Latour sociologue, anthropologue et philosophe engagé – le définit en opposition avec le territoire. Faisant de la situation d'énonciation le point central de cette confrontation, le paysage devient ce devant quoi l'on se tient tandis que le territoire demeure ce dans quoi l'on est. Et ‘Animer le paysage’ cherche à rassembler ces deux visions.

Traversée en terre ardennoise

Brève mais pleine de niches qu'il faut déterrer, l'exposition présente les œuvres issues des recherches de terrain. Quatre petites salles, chacune consacrée au travail d'un artiste ou d'un duo d'artistes, nous font passer des traces laissées par les animaux et traqués par les hommes, aux sillons d'un nouveau chemin dessinés à partir de la parole des agriculteurs. On commence par découvrir le travail de Sylvain Gouraud qui montre comment les chasseurs font corps avec leur environnement. Une belle vingtaine de photographies disposées comme des dominos en train de tomber immortalisent les outils et techniques de chasse, tandis qu'au dos les voix des chasseurs, dévoilant leurs ruses et secrets, dialoguent avec les forestiers et éleveurs, curieux et étonnés. Cette rangée de voix produit un discours complexe, rendant compte de l'entremêlement inextricable que produit la terre, alors comprise autant comme paysage que comme territoire.

Puis vient le travail de Sonia Levy et Alexandra Arènes qui cartographient les parcours nocturnes des animalités traversant le domaine. Enigmatiques et plus conceptuelles que documentaires, leurs œuvres nous font entrer dans une nuit épaisse, peuplée d'êtres invisibles mais bien présents. Enfin, on est invité à suivre le chemin de maïs, tracé par Thierry Boutonnier, qui explore la façon dont cette plante mondialisée s'est implantée dans les Ardennes en rencontrant ceux qui la cultivent, ceux qui en vivent et ceux qui en dépendent. Magnifique travail anthropologique, ce chemin fait se rencontrer les différentes strates du paysage en mutation.

Courte mais particulièrement riche, l'exposition du musée de la Chasse nous fait donc entrer dans le paysage, au cœur du territoire vivant de Belval, fait d'humains et de non-humains. En mêlant recherche plastique et intérêt écologique, elle propose un autre regard, à la fois décalé par rapport au discours ambiant et pourtant au cœur des préoccupations environnementales.

Écrit par
Elise Boutié

Infos

Adresse
Prix
De 6 à 8€
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