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AutoPhoto

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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Une exposition magnifique où le mythe de la voiture américaine, sublimée par l'œil des plus grands photographes, construit un paysage de la modernité.

Chevelure au vent, bornes kilométriques qui défilent, bitume englouti, bruit des cylindres dans la vitesse incontrôlée et la nuit épaisse ; Françoise Sagan dans la fougue des millions qu'elle amassait et perdait instantanément, Belmondo et Jean Seberg à bout de souffle et en cavale, James Dean sautant dans le vide au volant dans un élan suicidaire tandis que Telma et Louise s'y élancent dans un ultime cri de liberté… Bref, la voiture charrie tout un imaginaire. Une sorte d'aura faite de rêves, de mystères mystiques, d'évasions impulsives et de départ sur les chapeaux de roues.

La voiture, un personnage historique de l'histoire humaine

La voiture comme premier lieu de fantasmes et de possibilités d'enfin les réaliser. Bien plus qu'un moyen de transport, elle matérialise un certain nombre d'espoirs et en engendre autant. Capturer son image revient donc à saisir l'infini des possibles qu'elle contient. C’est pourquoi, en ce moment, la Fondation Cartier consacre une grande exposition à l'image de l'automobile. D'une richesse incroyable ‘AutoPhoto’ dessine le paysage chimérique qui s'est construit autour des carrosseries à quatre roues. En partant de la place royale qu'elle tenait dans la construction de l'american dream, l'exposition parvient à dépasser la fascination ordinaire qu'exerce la voiture sur l'esprit épris de pouvoir et de liberté.

On rencontre d'abord la voiture à travers ses propriétaires. Belle première section de l'expo, on découvre ici la fierté des automobilistes à travers le monde. Images du temps figé et passé, émouvantes et emblématiques, elles témoignent d'une époque où la voiture était aussi brillante que les cheveux gominés. Polaroïds et tirages d'époque tirent le portrait des acquisitions que l'on imagine faites au prix d'un dur labeur. Seydou Keïta, Stephen Shore, Malick Sidibé, Edward Quinn, ce sont les œuvres de grands photographes où la grâce du quotidien, la finesse du documentaire et l'œil affuté composent de magnifiques photos d'une élégance incroyable et d'une force historique.

La route, l'autoroute, les bords de route et les roues à toute berzingue

Après avoir contemplé les bolides et les visages comme s'ils étaient les compétiteurs d'une course à venir, on embarque à bord de l'engin et l'on découvre un autre paysage, une autre façon de regarder, une autre manière de voir ce qui nous entoure, la ville, l'urbain et tout le reste, l'étendue américaine infinie, les zones industrielles, les continents. Rétroviseurs, pare-brise, bas-côtés, échangeurs d'autoroute, station-service, tout ce qui compose la voiture devient objet photographique. Ainsi Daido Moriyama, avec la puissance et la vitesse de son regard, dépasse celles de sa propre voiture et offre des clichés d'une fulgurance étonnante, en pleine griserie de macadam.

Le collectif Tendance Floue fait le pari fou de suivre une route qui n'existe pas, la 'Nationale Zéro' qu'il bâtit par les clichés que chaque photographe prend en s'arrêtant tous les 50 km. Le regard se décale donc de l'auto à la route, élargissant le champ de vision de l'intérieur vers l'extérieur, du moyen de locomotion vers les lieux traversés. Le bord de route devient alors à son tour le reflet des époques qui voient s'étendre à mille à l'heure la modernité. Bretelles enchevêtrées d'autoroutes dans un méli-mélo de béton, quadrillages maniaques de zones industrielles et épidémies d'enseignes lumineuses, voilà ce à quoi la voiture nous donne accès.

Moteur, turbines, mains sales et décharges en plein air

Au sous-sol de la fondation, une autre partie de l'exposition nous présente des photos qui prennent la voiture comme objet technique et matériel, rompant ainsi avec les différentes projections dont elle était le support jusque-là. Brute, démantelée, fonctionnelle ou dysfonctionnelle, la voiture est ici prise pour elle-même, en tant qu'amoncellement technique et mécanique. Casses, décharges, vestiges, usines, cambouis, accidents, parcours déviés ou trajets clandestins peuplent cette dernière partie. Robert Frank, Stéphane Couturier, Larry Clark, Martin Bogren ou encore Weegee sont à l'honneur et leurs œuvres font se mêler les matières à la lumière, jouant sur l'animalité de l'automobile.

Pour finir, on découvre le surprenant projet ghanéen ‘Turtle 1 – Building a car in Africa’ qui propose une alternative à l'accumulation des déchets automobiles en construisant une voiture à partir des pièces recyclées dans une gigantesque casse où travaillent chaque jour 20 000 ouvriers. La boucle est bouclée, les nouveaux propriétaires se servent des morceaux que les anciens jettent, dépassant le cycle infernal de la cadence industrielle.

Écrit par
Elise Boutié

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