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Corps révélés

  • Art, Photographie
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Dissimulé sous de gros lainages soviétiques, exhibé par un concupiscent Wonderbra ou timidement divulgué par une jupe un peu trop courte, le corps humain fait des apparitions révélatrices à la Russian Tea Room. Au fil d'un accrochage habile, qui réunit les photographes slaves qu’elle soutient depuis ses débuts, la galeriste Liza Fetissova explore librement la manière dont la représentation du corps a pu refléter les mutations plus ou moins subtiles des moeurs et de la sexualité en (ex-)URSS, avant et après la chute du Mur.

Papillonnant d’une époque à l’autre sans prétendre à l'exhaustivité, une quarantaine de tirages prend ainsi dans les replis de la chair la mesure du changement. Un changement éclaté, souvent moins linéaire que l’on ne nous le laisse penser. Des femmes des années 1930, propres sur elles, pas une mèche de travers, récupérées dans des archives par Igor Savchenko. Des décolletés furtivement libérés par la folie des seventies sous l’étourdissant objectif d’Antanas Sutkus. Un slip usé, fièrement exhibé pour l’appareil d’Igor Moukhin, dans une campagne secouée par la Perestroïka… Portrait après portrait, les photos s’émancipent de l’engoncement soviétique, respirent à pleine poitrine, se dénudent. Avant de faire, sans crier gare, de grands bonds en arrière.

Prenez par exemple cette pin-up façon Playboy, fade, lambda, qui pointe du bout de ses oreilles de lapine vers le leurre de la « libéralisation » contemporaine (2005). Qu’elle paraît classique et désuète à côté de ces demoiselles des années 1970, sobrement décoiffées et débordantes de féminité, qui lorgnent avec volupté vers les promesses de l’Ouest hippie ! Et ces monuments officiels du réalisme socialiste qui, derrière des airs austères, distillent leurs courbes sensuelles dans la chambre noire de Moukhin, trahissant une lasciveté insoupçonnée. Sont-ils finalement si différents de ces jeunes éphèbes nus, sculptés par les ombres géométriques de l’île de Kronstadt, qui conjuguent à une sauce érotique et ultra-stylisée l’esthétique du constructivisme ? Quatre-vingt-huit ans après Octobre rouge. En plein berceau de la révolution.

Au fil de ces confrontations habiles, s’esquisse par bribes un portrait délicieusement désarticulé du « Bloc Est ». Le bilan est nébuleux, complexe. Il n’y a pas « d’avant » pire et « d’après » meilleur ; seulement les fluctuations contradictoires du temps et des corps. Ne reste plus qu’à solliciter la galeriste si vous souhaitez de plus amples informations : ici, on se fait un plaisir de guider les visiteurs au fil des clichés. Avant de les laisser voguer, à leur guise, dans les contre-courants.

> Horaires : du mardi au samedi de 14h à 19h

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Entrée libre
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