Une plage. Quelques silhouettes en maillots de bain. La mer est d’huile. C’est l’été indien sur la côte ligurienne et, à part barboter dans l’eau ou se prélasser sur le sable, il n’y a rien à faire en cette fin d’après-midi. Mais alors absolument rien. On s’ennuie profondément sous le soleil nacré du mois de septembre, et c’est fantastique.
En neuf photographies vaporeuses, au grain délavé, Gerhard Klocker capture avec une extraordinaire finesse le moment où l’ennui devient bonheur. Dénigré par nos sociétés hyperactives, l’ennui perd ici ses connotations péjoratives pour devenir, au contraire, une denrée inestimable, un art, une source de plaisir et de sérénité absolue. Dans les 22,48 m2 de la galerie du même nom, une certaine nostalgie émane même de ces prises de vue qui évoquent vaguement tous ces vieux souvenirs de famille, muets et morcelés, tournés en Super-8.
Comme pour nous libérer de l’accélération du temps, le photographe autrichien réhabilite le luxe de la torpeur. Les minutes semblent se distiller lentement sur les dunes onctueuses du nord-est italien, tachetées de quelques touches de couleur (un maillot rouge, un saut jaune…), pendant que les baigneurs contemplent l’horizon, plongés dans une léthargie jouissive – et contagieuse. Car on adhère aisément à ce temps qui s'écoule au compte-goutte, comme pour mieux prolonger le plaisir de cette brève mais délicieuse exposition.