Les instruments de Ismaïl Bahri sont multiples, d'où ce « s » équivoque donné au titre de sa première exposition d'ampleur. D'abord, il y a la caméra, prolongement de ses yeux qui perçoivent le monde sous un angle étudié, décalé, pas tout à fait désaxé. Cette caméra qui engendre l'art vidéo de l'artiste est à la fois outil technique et objet artistique lorsqu'elle concentre les attentions, comme dans le film 'Foyer'.
Ensuite, il y a les mains. Accessoires pas si accessoires de la pensée, elles servent à communiquer, manipuler, travailler, exprimer et expérimenter. Principaux organes du toucher, elles ont cet aspect intime et émouvant de contenir le témoin d'une vie et l'essence de l'humain en leur creux.
Enfin, il y a le quotidien, le simple rien qui devient tout quand on le regarde avec l'innocence désintéressée de l'abstraite poésie. Bref, comme le fait Ismaïl Bahri pour qui une goutte d'eau sur la peau tressaute d'une danse fascinante dans 'Ligne'.
Ainsi, l’œuvre subtile, ténue mais réfléchie d’Ismaïl Bahri peut faire penser à une succession de haïkus, ces courts préceptes japonais emplis de lyrisme philosophique et bienveillant. Car son travail vise, lui aussi, à exalter l’instabilité des choses qui nous entourent et à aiguiser notre attention sur elles avant que le temps n'opère son troublant changement.