Mais pas Sofia Coppola. Pour la cinéaste, qui joue les commissaires de cette exposition présentée à la galerie Thaddaeus Ropac, le photographe issu du New York gay et arty des années 1970 exhale tout autre chose. Là où Cindy Sherman et David Hockney – lorsqu’ils montèrent leurs propres expos en hommage au photographe à New York (2003) et Londres (2005) – sélectionnaient des images teintées des vices et de l’érotisme qui collent au souvenir de l’artiste décédé des suites du sida en 1989, Coppola préfère rompre avec les poncifs. Des prises de vue soigneusement choisies par la réalisatrice de ‘Lost in Translation’ et ‘Somewhere’ émane une douceur, une grâce et une sensibilité à fleur de peau, proches de celles que dégagent ses films. Paysages, portraits sculpturaux, intérieurs baroques, natures mortes, animaux : la quarantaine de clichés court voluptueusement le long des murs comme une frise d’histoires sans narration. Comme des instants éthérés, assemblés à la manière d’une planche d’ambiances pour un futur film.
La délicatesse prend le dessus à mesure que les grains duvetés s’étalent sur les visages féminins et que les clairs-obscurs tranchants de Mapplethorpe s’arrondissent, laissant transparaître l’ombre d’orchidées, avalant la lumière d’une fenêtre. Puis arrive la chute : une dernière photo, sexuelle, crue, qui rend son sens à une démarche dont les penchants obscènes apparaissent, finalement, comme un détail au sein d’une œuvre autrement complexe, poétique et sensitive. Une surprenante invitation à voir en Robert Mapplethorpe, comme le fait Sofia Coppola, ce que d’autres ne voient pas ou ne voient plus.