Tracts évangélistes, fraternités new age, théories du complot intergalactique, prophéties tirées par les cheveux et promesses de mondes meilleurs... Bienvenue dans l’Amérique des illuminés, où la propagande mystique le dispute à la sainte parole des manuels d’anatomie de Frank Henry Netter. Après avoir exposé la collection d’art outsider de James Brett l’an dernier (l’étonnant et fascinant ‘Museum of Everything’), la Chalet Society accueille le croustillant cabinet de curiosités de l’artiste Jim Shaw, héritier de l’esthétique punk et du pop art. Fruit de nombreuses années de rencontres improbables, de récoltes et d’archivage, son attirail d’« art didactique » réunit prospectus, illustrations, bouquins, bibelots et tout un bric-à-brac de pépites liturgiques. Autant de témoignages des rêves les plus fous du pays de l’Oncle Sam (présentés, pour la plupart, sous forme de photocopies et autres reproductions) dont le Californien s’inspire dans ses installations, nourries de culture populaire, sauce surréaliste.
Entre marketing de la bonne parole, produits dérivés de la scientologie, kitsch biblique et visions apocalyptiques, cette plongée foutraque dans les croyances démentielles des Etats-Unis n’aurait pu trouver meilleur écrin que la Chalet Society, boulevard Raspail. Lieu surprenant au plancher qui grince et aux murs épluchés, l’ancienne manufacture de confitures convertie en école, puis en espace d’exposition par Marc-Olivier Wahler (ex-directeur du Palais de Tokyo), n’ouvre ses portes qu’à des formes d’expression étranges et marginales. Son père spirituel ? Saul Wahl Katzenellenbogen, roi de Pologne du XVIe siècle et visionnaire à ses heures, qui imagina le concept de la « conscience poétique ». Une poésie aux accents occultes, en l'occurrence, à savourer avant qu’il ne soit trop tard : la bâtisse devrait être détruite très prochainement. Prions les anges barbus du Walhalla pour que cela n’arrive pas de sitôt.
> Horaires : du mercredi au dimanche de midi à 20h (fermeture le 25 décembre et le 1er janvier).