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A la une du New York Times

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Page One: Inside the New York Times
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Avoir été « au bon endroit au bon moment » : voilà l'impression majeure que donne ce documentaire. Son réalisateur, Andrew Rossi, a en effet passé la fin de 2009 et la majeure partie de 2010 à traîner dans la salle de rédaction du New York Times, avec au-dessus de la tête une épée de Damoclès : celle de la presse papier. Devant le regard de Rossi, la presse régionale s’évanouit, rend son dernier souffle. Twitter débarque de nulle part, Wikileaks entre dans la course, l'iPad est lancé et les services payants montent en flèche.

Mais 'A la une du New York Times’ n’est pas réactionnaire. Confiant, il suit le changement, le décrit, le capture, le met en images, mais ne le déplore pas. Au contraire, il cherche à en éclairer les zones d’ombre. On aurait pu imaginer que le film de Rossi donnerait à voir des salariés regroupés autour d’une fontaine à eau, s’échangeant des dossiers sur les licenciements et commençant à envisager leur reconversion dans l’enseignement. Rossi aurait pu faire un tel film (d’une certaine manière, ça lui pendait au nez) et, de fait, l’atmosphère s’assombrit lorsque le rédacteur en chef Bill Keller parle d’humeur « mortuaire ». Mais la plupart du temps, le réalisateur cherche – et parvient à capter – cette aptitude à rebondir qui nous saisit dans les moments les plus sombres.

S’accrochant à sa caméra, Rossi investit le bureau des journalistes, du dynamique éditorialiste David Carr et de son rédacteur en chef, le plus discret Bruce Headlam. Et alors que Rossi tente de cerner la raison d’être du journal, Carr et Headlam multiplient les tentatives, de façon un poil excessive, faisant le compte rendu d’une enquête sur les carences du Los Angeles Tribune, ou se demandant si un sujet de la NBC autour du retrait d’Irak est une histoire vraie ou une simple mascarade médiatique.

Rossi flâne dans le bâtiment, suivant le rythme du quotidien, ou assiste aux réunions éditoriales où sont choisis les thèmes de la une du lendemain. Lorsque le geek Brian Stelter et son collègue, le sémillant Tim Arango, se portent volontaires pour couvrir l’Irak, son film frôle la perfection. Il offre également une vision plus large en laissant s'exprimer de nombreux intervenants, de David Remnick du New Yorker à Carl Bernstein.

Mais Rossi revient constamment à Carr, un homme à la voix rocailleuse, la cinquantaine, qu'il affectionne et qu’on pourrait facilement prendre pour un chauffeur de bus. On comprend vite pourquoi Rossi l’apprécie. Il possède aussi bien l’enthousiasme et le mordant de la jeunesse, que la confiance et l’indifférence à la mondanité d’un vieux de la vieille ; comme lorsqu'il s'exprime sur l’iPad : « Vous savez à quoi ça me fait penser ? A un journal. »

Aussi Carr paraît-il plutôt ouvert au progrès. Un an après avoir rejoint Twitter, il reste enthousiaste. « Est-ce que cela a changé mon cerveau en bouillie ? Non. » Mais sa meilleure prestation a assurément lieu lors d’une réunion avec les directeurs de Vice, sur lesquels il aboit : « Porter un putain de casque de safari et avoir de la merde dans les yeux, ça ne vous autorise pas à insulter ce que je fais ! »

Alors au fond, ‘A la une du New York Times’ exprime-t-il la nostalgie du papier journal et de l’encre plein les doigts ? Peut-être un peu. Mais surtout, ce sont les valeurs journalistiques traditionnelles qui lui tiennent à coeur, et que le film défend ardemment. Que ces valeurs soient véhiculées online ou sur papier ne semble pas d’une si grande importance. Et c’est une saine position.

Écrit par Dave Calhoun (trad. Charlotte Barbe)
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