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Camille Claudel 1915

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Camille Claudel
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Disons-le tout de suite : d’une rigueur qui ferait aisément passer ‘Amour’ pour une comédie romantique, ‘Camille Claudel 1915’ se révèle, d’un bout à l’autre, aussi magistral qu’éprouvant (comme ça, au moins, vous voilà prévenus). Plongeant une Juliette Binoche époustouflante, magnifique de retenue, dans un hôpital psychiatrique parmi d’authentiques aliénés, Bruno Dumont y relate le quotidien de l’ancienne sculptrice, âgée de 49 ans au début de sa longue période de réclusion – qui durera jusqu’à sa mort en 1943.

Ici, il faut rappeler que les récents films de Dumont n’ont cessé de creuser, dans une veine assez bressonienne (même s’il s’en défend), une espèce de mystique sauvage – dont son précédent film, ‘Hors Satan’, constituait certainement l’expression la plus aboutie. A l’inverse, Camille Claudel paraît ici la figure même de la déréliction, abandonnée dans cet asile où son frère, catholique aussi fervent que borné, semble la confiner par idéologie. Le génie doit s’expier, en quelque sorte ; ou l’art est un chemin de croix. Aussi les rares moments de grâce caressés par l’héroïne – le jeu du soleil sur un tapis à travers la vitre, le vent au sommet d’une colline, le contact de la terre au creux de la main… – lui sont-ils aussitôt refusés.

Attente, frustration, colère se trouvent alors d’autant plus palpables que la réalisation de Dumont, sèche et rigoureuse, sans emphase, plonge le spectateur dans une expérience concrète et douloureuse du temps, de sa répétition journalière et de la claustration. Devant le film, on vit soi-même l’enfermement de Camille Claudel. Et c’est aussi bouleversant que difficile. Au final, d’une âpreté rare, parfois écrasante, ‘Camille Claudel 1915’ parvient à mettre le spectateur à genoux (au sens figuré, rassurez-vous) par son implacable maîtrise formelle et par la performance d’une Juliette Binoche sur le fil du rasoir, solitaire, qu’on n’avait sans doute jamais vue dans une telle mise en jeu d’elle-même. Ça fait mal, mais qu’est-ce que c’est fort.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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