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Cherchez Hortense

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Cherchez Hortense
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Inconfortable de parler du dernier Bonitzer. D'abord, il faut aimer l'animal, ses intrigues intello-sentimentales, et ne pas rechigner devant une bonne dose de psychanalyse. Damien (Jean-Pierre Bacri, juste et touchant), spécialiste de la civilisation chinoise et consultant auprès de gros chefs d'entreprises, est embarrassé : pour satisfaire une requête de sa femme (Kristin Scott Thomas), il doit demander à son père, membre du Conseil d'Etat (Claude Rich, délicieusement perché), d'intervenir sur le dossier d'une jeune sans-papiers (Isabelle Carré). Evidemment, ce père, Damien n'a jamais réussi à lui dire un mot.

Ainsi, le titre du film a beau sonner comme une référence à Rimbaud et à son poème 'H' (« Ô terrible frisson des amours novices sur le sol sanglant et par l'hydrogène clarteux ! Trouvez Hortense »), ce sont manifestement des eaux freudiennes qui baignent ce film – n'ayant, il faut dire, pas grand-chose d'un bateau ivre… En fait, on pourrait même dire qu'il navigue à peine. Il flottille. Assez vite, on se fiche d'ailleurs pis que pendre des ressorts scénaristiques, les séquences s'enchaînant selon un schéma largement attendu, pendant que la mise en scène, d'un classicisme achevé, évoque irrésistiblement un jardin à la française. Bref, voilà un long métrage cultivé, distingué, où les dialogues se révèlent savoureux et les personnages sympathiques, y compris les seconds rôles – parmi lesquels Jacky Berroyer en dépressif borderline… Et pourtant, ça n'avance pas. Chacun erre dans l'indécision, dans la procrastination molle ou angoissée, ou cherche tout bonnement à fuir – ainsi, très tôt, le personnage de Kristin Scott Thomas se trouve un amant et sort de l'intrigue principale.

Ce n'est donc pas vraiment au premier degré que se situe l'intérêt de ce 'Cherchez Hortense' trop bien sous tous rapports. Ce serait plutôt au niveau de son arrière-plan sociologique : où des intellectuels nantis (consultant, metteur en scène ou hauts fonctionnaires qui feraient passer les thésards de Desplechin pour des cailleras), se noient, parfois avec une forme d'héroïsme, dans le verre d'eau de leurs dilemmes personnels. En d'autres termes, qu'on le sache, les tenants des « hautes sphères » sont totalement à la ramasse, les portes du pouvoir institutionnel ont été verrouillées ; de toute façon, rien ne s'y passe – et pour un peu, on songerait presque au cynisme de 'L'Exercice de l'Etat' de Pierre Schoeller… Finissant par se demander si, derrière son apparente et ronflante bienveillance, le film ne porte pas en lui le regard d'un moraliste discret, mais tout de même cruel envers ses personnages – de la même manière que son ancienne comparse, Chantal Akerman, filmait récemment avec une perversité presque sadique le personnage de Stanislas Merhar dans 'La Folie Almayer'. Ainsi, ce serait un peu comme si ces êtres de fiction cherchaient à se soustraire à la narration, à sa pesante logique, mais qu'on ne leur laissait pas la moindre chance. Et qu'une comédie de mœurs assez banale, honnêtement parisienne, se retrouvait subitement hantée par d'incertains échos du fantôme de Beckett. Mais bon, d'assez loin quand même.

Écrit par Alexandre Prouvèze

Détails de la sortie

  • Noté:12A
  • Date de sortie:vendredi 9 août 2013
  • Durée:100 mins

Crédits

  • Réalisateur:Pascal Bonitzer
  • Scénariste:Pascal Bonitzer, Agnès de Sacy
  • Acteurs:
    • Jean-Pierre Bacri
    • Kristin Scott Thomas
    • Isabelle Carré
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