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Dernière séance

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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

L’économie de moyens a parfois du bon. Laurent Achard nous le prouve avec ce long métrage au budget serré, pourtant bien plus intéressant que de nombreuses grosses productions françaises. L’intrigue, volontairement ténue, met en scène Sylvain, le programmateur, projectionniste et caissier d’un cinéma de province qui sort chaque nuit, après la dernière séance, pour un rituel meurtrier. Incarné par le talentueux Laurent Cervo, regard profond et bouille de gosse, ce tueur en série n’en demeure pas moins un trentenaire souffrant dont on découvre les traumatismes infantiles au fil de quelques flash-back.

‘Dernière séance’ nous invite ainsi à côtoyer ce type au quotidien, de ses journées de travail banales à ses nuits sordides, de son apparente normalité à ses pulsions brutales. Mais bien au-delà du simple slasher movie (un tueur en série officiant à l’arme blanche), Laurent Achard se joue des codes du film de genre, les détourne pour mieux leur rendre hommage et les sublimer. Dès le début, après un très beau plan sur une majorette répétant sa chorégraphie, le réalisateur nous régale d’une scène de meurtre presque pudique où la violence visuelle reste hors-champ et ne trouve à s’exprimer que dans les cris glaçants, le souffle haletant de la victime et le son de ses chairs pénétrées par une lame. Avant que son bâton ne vienne rouler sur ces petits carreaux de vestiaire, cette fois dans le cadre… Un humour bien noir, présent également lorsqu’une conductrice de taxi, quelques instants avant d’être soudainement refroidie se plaint : « Ah, je suis crevée, moi. »

Les références aux maîtres du genre, tels Dario Argento, abondent, notamment dans l’esthétisation de ces corps de femmes à l’agonie, mamans ou putains : carmin du sang, matières des vêtements, peau diaphane. Ou encore dans la morgue qui se dégage de lieux comme la chambre de Sylvain, sorte d’étable pour psychopathe renfermant un musée des horreurs, cette salle où les oreilles de ses victimes prennent place sur des photos de stars du cinéma, soulignant un peu plus la constante mise en abyme du 7e art (salle de projection, cinéma, vedettes, projectionniste cinéphile, film dans le film, etc.). Jusqu’à cette scène de fin et le nécessaire sacrifice de cet homme, agonisant au pied de l’écran diffusant l’un de ses films préférés : ‘French Cancan’.

Sans prétention, Laurent Achard fait preuve d’une grande maîtrise technique et d’une inventivité rare, parvenant à nous surprendre avec un film oscillant entre réalisme et fable. Une réussite du genre, qui ne manquera pas de troubler les spectateurs curieux.

Écrit par Nicolas Hecht
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