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Deux jours, une nuit

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Deux jours une nuit - Marion Cotillard
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Les longs métrages des frères Dardenne se suivent, et se ressemblent assez. Le point positif : le ton qu’ils développent de film en film parvient à rester juste, pertinent, avec une vision souvent puissante – à mesure, en fait, qu’elle paraît désespérée. Nouvelle fable sociale du duo, ‘Deux jours, une nuit’ bénéficie d’un thème simple et efficace : Sandra (Marion Cotillard) dispose d’un week-end – d’où le titre du film – pour convaincre ses collègues de renoncer à la prime de mille euros qui leur a été octroyée, afin qu’elle puisse conserver son travail. Aussi le film joue-t-il essentiellement sur la répétition et, assez naturellement, sur un ensemble de variations assez fines ; chacun de ses collègues réagissant subjectivement au discours tenu par l’héroïne. Etude de la nature humaine en environnement salarial, ‘Deux jours, une nuit’ décline ainsi les cas de figures, de la violence individualiste au sacrifice généreusement consenti entre camarades. Cela pourrait ressembler à un catalogue, mais les personnages, assez finement brossés, permettent au film d’éviter la démonstration d’un simple théorème de l’exploitation.

Plus profondément, ce qui ressort du film, c’est qu’une lutte sociale classique – en gros, entre employés et employeurs ou actionnaires – paraît avoir cédé la place à une guerre intestine au sein des « classes les plus défavorisées » (selon l’euphémisme consacré). Autrement dit, les employés pauvres, ouvriers, se retrouvent à devoir s’entredévorer pour simplement réussir à survivre ou à joindre les deux bouts : ils ne forment plus un groupe homogène, constitué, une classe sociale, mais à peine un ensemble atomisé, aux visées parfois radicalement opposées. Noirceur politique. D’une certaine façon, ce que les Dardenne semblent regretter, c’est que les pauvres soient désormais de droite. D’ailleurs, c’est un peu la faiblesse du film : jamais la moindre contestation du système dans lequel ils évoluent ne semble traverser l’esprit des protagonistes. Le constat demeure univoque, sombre, implacable. Mais Marion Cotillard réussit à insuffler à son personnage une énergie du désespoir vraiment touchante, précise, entre courage et humiliation, qui tient le film de bout en bout. Mise en perspective d’une humanité débordante d’affects dans une machine à broyer sans conscience, ‘Deux jours, une nuit’ vise juste, émouvant sans verser dans le misérabilisme. Même si, davantage que ‘Rosetta’ (auquel il ressemble beaucoup), le film donne surtout envie de revoir d’urgence le ‘Louise Michel’ sarcastique, jouissif et vengeur, de Delépine et Kervern.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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