Enemy

Avec son pitch minimal et son atmosphère trouble, épaisse et sourdement lynchienne, ‘Enemy’ pourrait être à Jake Gyllenhaal ce que fut, il y a peu, ‘Under the Skin’ pour Scarlett Johansson : un ovni indé en forme de one-(wo)man-show. Retrouvant le réalisateur canadien Denis Villeneuve (après leur collaboration sur le réussi et mésestimé ‘Prisoners’ en 2013), Gyllenhaal paraît en effet omniprésent dans cette adaptation d’un roman de José Saramago (‘L’Autre comme moi’), faux film de genre aux symboles psycho-sexuels sous-jacents, de la même manière que Scarlett Johansson vampirisait à peu près tous les plans du long métrage de Jonathan Glazer.

Adam (Jake Gyllenhaal, vous l’aurez donc compris) est un prof d’Histoire mollasson et déprimé qui, lorsqu’il ne couche pas avec Mélanie Laurent, s’ennuie comme un rat mort… Jusqu’au jour où il tombe sur un film dont un des figurants lui ressemble trait pour trait. Intrigué, Adam recherche alors l’identité de ce double, Anthony (Jake Gyllenhaal donc, encore et toujours), pour le traquer plus ou moins maladroitement. Mais bientôt, les rôles paraissent s’inverser. Et plus le film avance, plus on comprend qu’il s’agit, en fait, de tout autre chose.

Impossible d’en dire plus sans tomber dans le spoiler… Sachez juste que cet ‘Enemy’ n’est pas sans lorgner, parfois, du côté de ‘Mullholland Drive’, et que l’araignée y représente un symbole auquel il conviendra de rester attentif (et dont les interprétations, à la sortie du film, divergent). Folie, individualisme, désir, dictature, addiction sexuelle, peur de l’engagement ou de la procréation : mine de rien, ‘Enemy’ convoque pas mal de thèmes, qu’il tisse à sa manière oblique, entre thriller tortueux et surréalisme pervers. S’il pourrait donc, à première vue, ressembler à du Kafka en mode mineur, il n’est pas impossible qu’il devienne tôt ou tard un film culte. Au moins pour quelques-uns. Avec une scène finale complètement WTF qui restera pour longtemps dans les mémoires.