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Howl

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Comment faire un film à partir d'un poème ? C'est une question que l'on pose rarement, et les réponses varient du tout au tout : certains y répondent littéralement, avec WH Auden et 'Night Mail'. D'autres brodent autour du poème une histoire originale, comme dans 'Jabberwocky' ou, Dieu nous en préserve, 'Xanadu'. D'autres encore voient l'oeuvre originale comme un précieux sésame, leur permettant de pénétrer l'esprit et le monde intime de l'auteur, comme dans l'adaptation réalisée par David Cronenberg de l'oeuvre de William Burroughs, 'Le Festin nu'. S'inspirant et se nourrissant de tout ce que l'on vient de citer, Rob Epstein et Jeffrey Friedman ont ici mis en images 'Howl', le cri du coeur de 1955 de l'une des figures majeures de la contre-culture américaine, Allen Ginsberg, réalisant un film d'une grande richesse formelle, tour à tour divertissement, animation, biopic, drame judiciaire, documentaire culturel et plus encore.

En 1957, Ginsberg (James Franco) donne une interview dans laquelle il rappelle le processus d'écriture de son œuvre la plus célèbre, 'Howl'. Son éditeur Lawrence Ferlinghetti est attaqué en justice pour avoir publié le poème, jugé obscène, pendant que des hordes d'experts pompeux se bousculent pour le condamner ou le défendre. Flashback en 1955 : Ginsberg travaille d'arrache-pied sur sa machine à écrire, et les mots qu'il écrit se métamorphosent en images, succession de rues hantées, saxos rugissants, argent sale et légions d'esclaves salariés.

Nous remontons le temps, suivant Ginsberg sur la route avec Neal Cassady, ou l'observant enfermé dans un hôpital psychiatrique avec le schizophrène qui inspira 'Howl', Carl Solomon. La structure de ce long métrage est certes complexe mais 'Howl' est un film merveilleux et divertissant, brouillant les époques, les genres, les grains de films et les techniques d'animation en toute confiance.

L'amour qu'Epstein et Friedman vouent aussi bien à la poésie qu'à l'époque transparaît sans retenue dans chaque image et le film a parfois de la gueule, le monochrome scintillant des flashbacks contrastant avec la richesse chromatique des scènes d'audience. L'animation est traditionnelle et se repose un peu trop sur l'imagerie beatnik que l'on connaît par coeur, mais la profondeur de l'imaginaire et sa complexité vertigineuse donnent le change sans aucun problème.

Evidemment, en tant qu'étudiant en littérature (il fait depuis 2011 une thèse de doctorat à Yale), James Franco semble taillé pour le rôle ; mais son interprétation réservée, très personnelle, sans défaut est tout de même impressionnante. Le casting est complété par des acteurs de genre, vraisemblablement choisis parce que nous les associons déjà à l'époque : Jon Hamm de 'Mad Men' et David Strathairn de 'Good Night and Good Luck' se glissent tous deux sans accroc dans leurs costumes – taillés sur mesure – d'avocats belligérants, luttant des deux côtés de cette affaire de moeurs.

Or, ce genre de raccourci culturel peut s'avérer problématique. C'est en partie dû à la construction du film. Et, Ginsberg mis à part, aucun personnage n'est réellement « développé » : les réalisateurs attendent de nous que derrière le personnage de Hamm nous retrouvions Don Draper, l'homme confiant des années 1950. Cela peut avoir tendance à faire de 'Howl' un film un peu léger, comme si les enjeux n'étaient jamais approfondis. Le coeur de l'expérience de Ginsberg semble tout simplement hors de portée. Mais malgré cela, on ne peut nier qu'il s'agit là d'un travail inspirant et audacieux, utilisant des techniques expérimentales au service d'une oeuvre d'art sincère, pénétrante et étonnamment grand public.

Écrit par Tom Huddleston / trad. Charlotte Barbe

Détails de la sortie

  • Noté:15
  • Date de sortie:vendredi 25 février 2011
  • Durée:90 mins

Crédits

  • Réalisateur:Jeffrey Freidman, Robert Epstein
  • Scénariste:Robert Epstein, Jeffrey Freidman
  • Acteurs:
    • James Franco
    • Jeff Daniels
    • John Hamm
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