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Ill Manors

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Ill Manors
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Révélation de la scène rap britannique sous le pseudonyme de Plan B – dont le tube "She Said" (en 2006), à mi-chemin entre The Streets et Amy Winehouse, valait assez le détour –, Ben Drew livre ici son premier long métrage : ‘Ill Manors’, récit choral où s’entremêlent histoires de dealers, de prostituées ou de toxicos dans un Londres contemporain, près des installations des Jeux Olympiques de 2012.

Londres, précisément, est ce qui frappe en premier dans le film, dont le propos semble au fond de représenter l’envers de la City, part maudite du cœur européen de la finance – dont la violence de l’économie souterraine apparaît, dans sa sauvagerie, comme le décalque officieux. Où un vendeur de crack à la petite semaine n’hésite pas à prostituer une fille contre vingt balles et deux kebabs parce qu’il la soupçonne de lui avoir piqué son téléphone. Où un gamin met par hasard une balle dans l’abdomen d’une fille squattant chez un ex-taulard. Où une mère de famille ravagée abandonne son nouveau-né dans un train – ce dont un dealer profite pour planquer sa coke dans la couche du bébé.

Bref, violent et sans concession, ‘Ill Manors’ part dans tous les sens. Et son scénario, au fur et à mesure qu’il se dévoile, se révèle comme un morceau de hip-hop rageur, entre anaphores trash, urgence sociale et nihilisme politique. Forçant un peu le trait dans son accumulation, le récit s’en tire toujours par la voix de son narrateur, Ben Drew lui-même, rappant ici et là ses commentaires en voix off sur les images, parfois avec une fraîcheur de ton et un humour noir détonants. Servis par l’énergie brute d’acteurs non professionnels, ce film se regarde ainsi comme on découvre un album – où l’on croise d’ailleurs, comme pour un featuring, le poète punk John Cooper Clarke (proche de Nico, The Fall, Joe Strummer ou des Buzzcocks).

Quelque part entre ‘La Haine’ et le Scorsese des années 70 (ouvertement cité), ‘Ill Manors’ dérange, surprend et n’est évidemment pas sans faire écho aux émeutes londoniennes d’août 2011. On finit alors par se dire que le rap anglais – même grand public, comme peut l’être celui de Plan B – c’est tout de même autre chose que les clashs guignolesques entre Booba et La Fouine…

Écrit par Alexandre Prouvèze

Détails de la sortie

  • Noté:18
  • Date de sortie:mercredi 6 juin 2012
  • Durée:121 mins
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