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Singapour, fin des années 1990. Agé d’une dizaine d’années, Jiale est un garçon insolent, capricieux et turbulent ; bref, un gamin auquel on aurait assez vite envie de mettre une gifle (allez voir le film, vous comprendrez). Face à lui, des parents désemparés, incapables de le contrôler. Il faut dire que la mère, lasse d’aller chercher son gosse chez le principal et enceinte jusqu’aux dents, craint de perdre son job – pour lequel elle tire pas mal au flanc, quand même –, tandis que le père se contente, grosso modo, de glandouiller en fumant des clopes en cachette. Le couple décide donc d’embaucher Teresa, une jeune immigrée philippine, afin de s’occuper de Jiale, des courses et de l’entretien de leur appart. Autant dire, on la plaint.
Une histoire toute simple, donc ; mais traitée avec beaucoup de délicatesse, de réalisme et de subtilité dans les relations entre ces quatre protagonistes. Car bien sûr, Jiale va peu à peu se rapprocher de Teresa, ce qui ne manquera pas de chambouler l’ensemble des rapports domestiques. Mais surtout, ce premier long métrage d’Anthony Chen – qui se révèle d’une grande maturité à même pas 30 ans – parvient, par touches légères, impressionnistes, à dire beaucoup du contexte économique et de la situation sociale née de la crise financière globalisée (en l’occurrence, à la fin du siècle dernier à Singapour, mais ne vous inquiétez pas : on a la même sous les yeux). Fatigue liée au travail ou angoisse de le perdre, ennui du conformisme bourgeois, vie privée dévorée par l’administratif, développement de nouvelles formes de sous-prolétariat : ‘Ilo Ilo’ dresse un constat sombre de l’époque, mais sans jamais forcer le trait, en le contrebalançant par un humour tendre, à la tonalité douce-amère, dans un bel équilibre trouvé entre l’intime et le social. Pas d’une grande originalité, en somme, mais une œuvre attachante, intelligente et contemporaine, récompensée par la Caméra d'or au dernier Festival de Cannes.